Si l'on
veut partir de la réalité et non de suppositions, il faut être extrêmement
attentif, et toute forme de pensée qui n'a pas le réel pour origine est une
distraction. C'est en cela qu'il est essentiel de comprendre ce qui se passe
réellement en nous et autour de nous.
Le fait
est tel qu'il est, et l'esprit a beaucoup de peine à l'admettre. Nous ne
cessons de le traduire, de lui attribuer des sens différents, en fonction de
nos préjugés, de nos conditionnements, de nos peurs et ainsi de suite.
Le fait
est là, il se suffit à lui-même, rien d'autre ne compte ; le fait a alors sa
propre énergie qui vous mène dans la bonne direction.
Il n'y a
en définitive qu'une certitude : celle de la réalité de la
non-permanence.
Pouvez-vous
mesurer l'immesurable? Si vous mesurez l'immesurable est-ce le réel? Nous
voulons fuir de connu vers l'inconnu, le quel encore une fois devient le connu,
de sorte que nous ne pouvons jamais trouver le réel.
Vous et
le néant ne faites qu'un. Vous pouvez essayer de fuir cela par mille
subterfuges, par la violence individuelle ou collective, par l'étude ou les plaisirs,
mais que vous dormiez ou soyez éveillés, il est toujours là. Vous ne pouvez
entrer en contact avec ce néant et sa peur qu'en prenant conscience, lucidement
et sans choix, de tous les subterfuges que vous utilisez pour le fuir.
Lorsqu'il y a découverte, la révélation de ce néant qui est vous, alors la peur
tombe et disparaît complètement.
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie
8 août
Comprendre le fait réel
Ce n'est pas vraiment complexe, bien que
cela puisse être difficile. C'est que, voyez-vous, nous ne commençons pas par
le fait réel, par ce que nous pensons, faisons ou désirons. Nous commençons par
des suppositions, ou des idéaux, qui n'ont rien de réel, et c'est pour cela que
nous nous égarons.(...) Il est simple de comprendre le fait réel, mais cela est
rendu difficile par nos préférences et nos aversions, par notre condamnation du
fait en question, et par les opinions et les jugements que nous portons sur ce
fait réel. Se libérer de ces diverses formes d'évaluation, c'est saisir la
réalité, comprendre ce qui est.
9 août
Traduire les faits empêche de les voir
L'esprit qui se forge une opinion sur un
fait est un esprit étroit, limité, destructeur ... Vous et moi pouvons traduire
le fait chacun à notre manière. Cette interprétation du fait est une
malédiction qui nous empêche de le voir tel qu'il est et de pouvoir agir sur
lui.
10 août
L'impermanence est le seul et unique
fait
(...) Ce qui nous entoure,
intérieurement comme extérieurement - nos relations, nos pensées, nos
sentiments -, est impermanent et en fluctuation constante. Ayant conscience de
cela, l'esprit recherche ardemment la permanence, un état perpétuel de paix,
d'amour, de béatitude, une sécurité que ni le temps ni les événements ne
peuvent détruire ; c'est pourquoi il crée l'âme, l'atma, et les visions d'un paradis
éternel. Mais cette permanence est engendrée par la non-permanence. Il n'y a en
définitive qu'une certitude : celle de la réalité de la non-permanence.
11 août
La quête insatiable de
l'inconnaissable
Vous voulez que je vous dise ce qu'est
la réalité. L'indescriptible peut-il être mis en mots? Pouvez-vous mesurer
l'immesurable? Pouvez-vous retenir le vent dans votre poing? Si vous le faites
est-ce le vent? (.. ) Dès que vous traduisez l'inconnaissable en
termes de connu, il cesse d'être l'inconnaissable. Et pourtant c'est ce à quoi
nous nous évertuons. Nous cherchons inlassablement à "savoir", dans
l'espoir que la connaissance prolongera notre durée et nous permettra de capter
l'ultime félicité dans une permanence. Nous voulons "savoir", parce
que nous ne sommes pas heureux, (...) Nous voulons fuir le connu vers
l'inconnu, lequel encore une fois devient le connu, de sorte que nous ne pouvons
jamais trouver le réel.
12 août
La souffrance un simple mot ou une
réalité ?
La souffrance n'est elle qu'un mot ou
une réalité ? Si c'est un fait, le mot, au point où j'en suis, n'a plus de sens
; il n'y a plus en moi que la perception d'une intense douleur. Par rapport à
quoi ? Par rapport à une image, à une expérience, à quelque chose que je n'ai
pas. Si je l'ai je l'appelle plaisir ; sinon, c'est la douleur.
La douleur, la. souffrance existe par
rapport à quelque chose. Ce "quelque chose" n'est-ce qu'une
abstraction habillée de mots, ou est-ce une réalité ? (...) la souffrance est
toujours en relation avec une personne, un incident, un sentiment. (...)
Est-elle distincte de moi, ne suis-je que l'observateur qui la perçoit, ou
est-elle "moi" ?
13 août
Vous et le néant ne faites qu'un
Vous n'êtes rien. Vous avez beau avoir
un nom, un titre, des biens, un compte en banque, le pouvoir, la célébrité,
tous ces écrans protecteurs ne vous empêchent pas de n'être rien. Vous pouvez
n'avoir aucune conscience de ce vide, de ce néant, où vous pouvez simplement ne
pas vouloir en prendre conscience ; mais, quoi que vous fassiez pour lui
échapper, il est là. (...) vous n'êtes pas l'observateur qui le scrute ; sans
vous - le sujet pensant, l'observateur -, il n'est pas. Vous et le néant ne
faites qu'un ; (...) vous et le néant constituez un unique phénomène, et non
deux processus distincts. (...) Lorsqu'il y a découverte, la révélation de ce
néant qui est vous - alors la peur - qui n'existe que lorsque le penseur est
distinct de ses pensées et essaye ainsi d'établir des relations avec elles -
tombe et disparaît complètement.
14 août
Comment en finir avec la peur ?
(...) Il faut aborder la vie avec le
maximum de rigueur, d'objectivité, de lucidité - pas en fonction de nos
sentiments, de nos envies, de ce qui nous plaît ou ne nous plaît pas. C'est ce
qui nous plaît et nous déplaît qui est à l'origine de toute cette souffrance.
(...) Puis-je, en tant qu'être humain, mettre fin à la peur, de manière
absolue, et non par petits bouts ? (...) Si vous la posiez avec le plus grand
sérieux, non pas en voulant qu'on vous dise comment faire pour y mettre fin,
mais en cherchant plutôt à en comprendre la nature, les mécanismes, vous
verriez alors que, dès que vous avez découvert ce qu'il en est, la peur tombe
instantanément, d'elle-même, sans que vous ayez rien à faire.
Lorsque nous la percevons et que nous
entrons en contact direct avec elle, l'observateur est ce qu'il observe. Il n'y
a plus de différence entre l'observateur et la chose observée. C'est quand la
peur est observée sans l'observateur que naît une action - qui n'est pas celle
de l'observateur agissant sur la peur.
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