Le fait même d’écouter,
de voir une chose en tant que fait a un effet extraordinaire, sans que la
pensée ne fasse aucun effort. Si on écoute – en ce sens que l’on s’abstient de
toute évaluation, de toute réaction, de tout jugement - , alors, assurément, le
fait crée cette énergie qui anéantit, qui élimine, qui balaye l’ambition
génératrice de conflit. Il est essentiel qu’il y ait de l’espace au sein
de notre esprit.
S’il y a de l’espace dans votre esprit, alors dans cet espace il y a le silence – et c’est de cet espace que vient tout le reste, car on peut alors écouter, on peut exercer une attention sans résistance. La méditation est donc un processus dans lequel on libère l’esprit de tous les systèmes, et on exerce une attention exempte de toute absorption de l’esprit ainsi que de tout effort de concentration. Dans l’éducation de la pensée, l’accent doit être mis sur l’attention et non sur la concentration. Pour comprendre totalement quelque chose, vous devez y investir votre attention complète. Mais vous allez vite apercevoir de l’extrême difficulté de l’opération, car votre esprit est habitué à être distrait. On peut enseigner la concentration, mais l’attention ne s’apprend pas, de même qu’on n’apprend pas à se libérer de la peur ; mais c’est par la compréhension même de ces causes que s’élimine la peur. L’attention naît spontanément lorsqu’autour de l’élève existe une atmosphère de bien-être, lorsqu’il se sent en sécurité, à l’aise, et qu’il est conscient d’une action désintéressée par l’amour. L’amour ne compare pas, de sorte que cessent la jalousie et la torture de « devenir ».
Krishnamurti : Le vivre de la méditation et de la vie
7 Juin
L’art d’écouter est un art qui libère
Quelqu’un vous parle, vous écoutez.
L’acte même d’écouter est l’acte qui libère. Lorsque vous voyez le fait, la
perception même de ce fait vous en libère… Prenons l’ambition, par exemple. (…)
L’esprit ambitieux est cruel – tant sur le plan spirituel que sur le plan
extérieur ou intérieur. Vous avez déjà entendu ces remarques. Vous les entendez
donc, et en les entendant, vous les traduisez à votre façon et vous dites :
« Comment puis-je vivre dans cet univers fondé sur l’ambition ? »
Ce qui prouve que vous n’avez pas écouté. Vous n’avez fait que répondre,
réagir à un énoncé, à un fait ; donc vous ne regardez pas le fait ;
vous vous contentez de l’interpréter, ou de donner votre opinion sur lui, ou
réagir par rapport à lui ; donc, vous ne regardez pas le fait…
8 juin
Une attention sans résistance
Vous savez ce qu’est l’espace. (…)
La distance entre l’endroit où nous sommes et votre foyer d’étudiant, entre le
pont et chez vous (…) Alors, y a-t-il aussi espace dans votre esprit ? Ou est-il tellement
encombré qu’il n’y a plus le moindre espace ? S’il y a de l’espace dans votre
esprit, alors dans cet espace il y a le silence – et c’est de cet espace que
vient tout le reste, car on peut alors écouter, on peut exercer une attention
sans résistance.
Il est essentiel qu’il y ait de l’espace
au sein de notre esprit. Si l’esprit n’est pas plein à craquer, s’il n’est pas
sans cesse occupé, alors il peut écouter ce chien qui aboie, le bruit du train
qui traverse le pont au loin, et avoir aussi pleinement conscience de ce que dit
une certaine personne assise ici, à vous parler ? Alors, l’esprit est une
chose vivante, il n’est pas mort.
9 juin
Une attention libérée de tout effort
Existe-t-il une attention dans
laquelle rien ne vienne absorber l’esprit ? Une attention excluant toute
concentration sur un objet ? Une attention dénuée de tout motif, de toute
influence, de toute contrainte ? L’esprit peut-il prêter pleinement attention à un objet sans qu’intervienne
aucune notion d’exclusion ? Il en est assurément capable, et c’est le seul
état d’attention existant, les autres n’étant que complaisance, ou simple
supercherie de l’esprit. Si vous êtes
capable d’une attention parfaite sans vous laisser absorber par l’objet, et
sans aucune notion d’exclusion, alors
vous découvrirez ce qu’est méditer ;
car dans cette attention n’entre ni effort, ni division, ni lutte, ni
quête de résultat. La méditation est donc un processus dans lequel on libère l’esprit
de tous les systèmes, et on exerce une attention exempte de toute absorption de
l’esprit ainsi que de tout effort de concentration.
10 juin
Une attention qui n’est pas exclusive
Je pense qu’il existe une différence entre l’attention qui a un
objet et l’attention qui est sans objet.
On peut se concentrer sur une idée, une croyance, un objet particulier – ce qui
est un système exclusif ; mais il y a aussi une attention, une conscience
non exclusive. De même, il existe un mécontentement dénué de motif, qui n'est pas le fruit d'une frustration quelconque, qui ne peut pas canaliser, qui ne peut trouver aucun apaisement. (...) L'essentiel, c'est cet extraordinaire mécontentement.
11 juin
L’attention n’a ni frontières ni limites
11 juin
L’attention n’a ni frontières ni limites
(…) La concentration est un processus
qui contraint l’esprit à rétrécir sa vision à un point, alors que l’attention n’a
pas de frontière. Se concentrer, c’est emprisonner l’esprit dans des
frontières, le limiter ; mais ce qui nous intéresse, c’est de comprendre l’esprit
dans sa totalité, donc la concentration devient une gêne. (…) Dans l’état d’attention,
notre esprit peut se servir, et se sert effectivement, des connaissances, qui
sont le résultat obligé de la concentration ; mais la partie n’est pas le
tout, et ce n’est pas en additionnant les parties qu’on parvient à la
compréhension du tout. Le savoir, qui est le processus additif de la
concentration, ne mène pas à la compréhension de l’immesurable. Un esprit qui se concentre
ne peut jamais embrasser la totalité.
(…) L’attention est un état dans lequel
on est toujours en train d’apprendre sans un centre de conscience autour duquel
s’amassent des connaissances sous forme d’expériences accumulées. Un esprit
concentré sur lui-même se sert des connaissances comme moyen d’expansion
personnelle, et cette activité devient contradictoire en elle-même et antisociale.
12 juin
L’attention totale
L’attention : qu’entendons-nous
par ce mot ? Y a-t-il attention lorsque je force mon esprit à être
attentif ? (…) Que se passe-t-il quand on se force à l’attention ? L’esprit
crée une résistance destiné à empêcher l’infiltration d’autres pensées ;
il est trop occupé à résister, à éliminer pour être capable d’attention. C’est
la vérité, n’est-ce pas ? Pour comprendre totalement quelque chose, vous
devez y investir votre attention complète. Mais vous allez vite apercevoir de
l’extrême difficulté de l’opération, car votre esprit est habitué à être
distrait ; (…) Autrement dit, vous en êtes revenu au désir de parvenir à
un résultat, vous ne serez donc jamais totalement attentif…(…) Si vous êtes
pleinement conscient, totalement attentif lorsque vous regardez quelque chose,
vous vous apercevez qu’une transformation
radicale se fait jour et cette attention totale, c’est cela, le bien. Il
n’en existe pas d’autre, et cette attention ne s’obtient pas par la pratique.
La pratique permet de se concentrer – mais cela, ce n’est pas de l’attention, c’est
de l’exclusion.
13 juin
Là où finit peur commence l’attention
Comment provoquer l’état d’attention ?
On ne peut pas le cultiver par la persuasion, la comparaison, la récompense ou
la punition, qui sont toutes des formes de contrainte. L’élimination de la peur
est le commencement de l’attention. La peur existe inévitablement tant qu’existe
le désir d’être ou de devenir, qui est
une quête du succès avec toutes ses frustrations tortueuses. On peut enseigner la
concentration, mais l’attention ne s’apprend pas, de même qu’on n’apprend pas à
se libérer de la peur ; mais c’est par la compréhension même de ses causes
que s’élimine la peur. L’attention naît spontanément lorsqu’autour de l’élève
existe une atmosphère de bien-être, lorsqu’il se sent en sécurité, à l’aise, et
qu’il est conscient d’une action désintéressée par l’amour. L’amour ne compare
pas, de sorte que cessent la jalousie et la torture de « devenir ».
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