Nous disposons presque tous de
capacités intellectuelles développées – ces capacités prétendues intellectuelles
ne l’étant que de nom… A force de cultiver cet intellect - ou prétendu tel -
nous avons perdu toutes les autres aptitudes, toutes les autres formes de
sensibilité, et cela nous pose le problème de savoir comment rééquilibrer notre
existence, non seulement afin de disposer des plus hautes aptitudes
intellectuelles et d'être capables de raisonner objectivement, de voir les
choses telles qu'elles sont - au lieu d'exprimer sans cesse des opinions sur
des théories et des règles… L’esprit qui est compétitif, qui s’empêtre dans le
conflit du devenir, et qui pense en termes de comparaison, est incapable de
découvrir le réel. Une pensée-perception qui est intensément en éveil et lucide
s'engage dans un processus constant de découverte de soi - découverte qui, étant authentique, est
libératrice et créative. Toute tendance compulsive, toute activité
spécialisée donne à l'esprit de l'acuité, ainsi qu'un moyen de focaliser la
pensée, mais cela n'a rien à voir avec la floraison d'une pensée-perception
pénétrant au cœur de la réalité.
Il y a une énorme différence
entre intellect et intelligence. L'intellect n'est autre que la pensée
fonctionnant indépendamment de l'émotion. L’intelligence éclôt lorsque nous
agissons en parfaite harmonie, tant sur le plan intellectuel
qu'émotionnel. L’éclair de compréhension est
lorsqu'il n'y a pas de verbalisation de la pensée. Faites-en l'expérience
toute simple, et vous verrez surgir en vous ce flash de compréhension, cet
éclair de lucidité fulgurante, qui surgit lorsque l'esprit est tout à fait
tranquille, que la pensée est absente, que l'esprit n'est pas assourdi par son propre tumulte. Ainsi, toute compréhension, ne peut se
faire que lorsque l’esprit est tout à fait tranquille.
Si vous avez des idées
préconçues à votre propre égard, vous ne pouvez pas comprendre l’inconnu, qui
est spontané. Le spontané doit être l’inédit, l’inconnu, l’incalculable,
le créatif, ce qui doit impérativement être exprimé, aimé, et en quoi la
volonté en tant que processus de l’intellect qui contrôle, qui dirige, ne joue
aucun rôle.
Observez vos propres états émotionnels
et vous verrez que les instants de grande joie, d'immense extase, ne sont
jamais prémédités : ce sont des événements imprévisibles, mystérieux,
secrets.
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie
1er septembre
Nous nous prenons pour des intellectuels
(...) Nous nous prenons pour
d'authentiques intellectuels dès que nous pouvons citer d'innombrables œuvres,
d'innombrables auteurs, avoir des lectures très diverses, et que nous sommes
capables d'établir des corrélations et d'offrir des explications. Mais aucun
d'entre nous - ou une si infime minorité - n'a de conceptions intellectuelles
originales. A force de cultiver cet intellect - ou prétendu tel - nous avons
perdu toutes les autres aptitudes, toutes les autres formes de sensibilité, et
cela nous pose le problème de savoir comment rééquilibrer notre existence, non
seulement afin de disposer des plus hautes aptitudes intellectuelles et d'être
capables de raisonner objectivement, de voir les choses telles qu'elles sont -
au lieu d'exprimer sans cesse des opinions sur des théories et des règles -
mais aussi afin de pouvoir penser par nous-mêmes, et examiner de nous-mêmes
très attentivement le vrai et le faux.
Et voilà, à mon sens, l'une de nos difficultés : cette incapacité à percevoir
non seulement les choses extérieures, mais aussi notre vie intérieure - à supposer
que nous en ayons une.
2 septembre
Toute pensée est distraction
(…) Cette découverte de soi nous
délivre de toute tendance à acquérir, et nous affranchit de la vie complexe de
l'intellect. C'est cette vie complexe de l'intellect qui trouve sa satisfaction
dans certaines tendances compulsives - que sont la curiosité destructrice, les
spéculations, le simple savoir, l'exercice de nos talents, le commérage, et
ainsi de suite ; et tout cela fait obstacle à une vie simple. (…) Se
libérer de toute distraction est chose plus difficile, car nous ne comprenons
pas pleinement le processus de pensée-perception, qui devient à son tour un
moyen de distraction. (...) Cette pensée-perception à pouvoir de se créer ses
propres obstacles, ses propres illusions, qui empêchent d'avoir conscience du
réel. Elle devient donc sa propre distraction, son propre ennemi. Étant donné
que l'esprit est capable de créer des illusions, il faut d'abord comprendre ce
pouvoir pour qu'il puisse ensuite se libérer totalement des distractions qu'il
s'est créé lui-même. L'esprit doit être parfaitement tranquille, silencieux,
car toute pensée peut être une source de distraction.
3 septembre
Unité du cœur et de l'esprit
La formation de l'intellect n'a
pas pour résultat de susciter l'intelligence. Mais en revanche, l'intelligence
éclôt lorsque nous agissons en parfaite harmonie, tant sur le plan intellectuel
qu'émotionnel. Il y a une énorme différence entre intellect et
intelligence. L'intellect n'est autre que la pensée fonctionnant
indépendamment de l'émotion. Lorsque notre intellect reçoit, sans qu'il soit
tenu compte des émotions, une information orientée dans une direction
particulière, quelle qu'elle soit, nous pouvons avoir un intellect hors pair,
mais nous n'avons pas l'intelligence, parce que l'intelligence a en elle la
capacité naturelle de ressentir aussi bien que de raisonner ; dans
l'intelligence, ces deux capacités sont présentées de manière égale, intense et
harmonieuse.
De nos jours, l'éducation moderne
développe l'intellect, diffusant de plus en plus d'explications sur la vie, de
plus en plus de théories, mais il y manque cette qualité d'harmonie qu'apporte
l'affection.
(...) L'esprit - l'intellect - se
satisfait de ces innombrables explications, mais l'intelligence n'est pas, car
pour pouvoir comprendre, l'esprit et le cœur doivent agir en symbiose
totale.
4 septembre
L'intellect corrompt la sensibilité
Il y a, voyez-vous,
d'une part l'intellect, et de l'autre la sensibilité pure - qui fait que nous
aimons telle ou telle chose, que nous éprouvons de grandes émotions
généreuses. L'intellect raisonne, calcule, pèse, équilibre. "Est-ce que
cela vaut la peine? En tirerai-je un bénéfice ? "
Il y a, d'autre part,
la sensibilité – ce sentiment extraordinaire qui naît au spectacle du ciel,
face à votre voisin, votre femme ou votre mari, votre enfant, devant l’univers,
la beauté d’un arbre, et ainsi de suite. Lorsque ces deux pôles de perception
s'unissent – la mort est là. Comprenez-vous ? Mais lorsque la sensibilité pure est corrompue
par l'intellect - la médiocrité est là. (...) " Si je fais ceci,
vais-je avoir cela en échange ? "
5 septembre
L'intellect
ne résoudra pas nos problèmes
(...) Je dis qu’il est essentiel
d'avoir cette sensibilité profonde à la vie, au lieu de se laisser piéger dans
les ramifications de l'intellect, dans les discussions, dans les examens à
réussir, dans les citations – écartant au passage ce qui est neuf, en
prétendant que c'est du déjà dit. La voie, ce n'est pas l'intellect. Il ne
résoudra jamais nos problèmes ; il ne nous apportera pas cette nourriture qui
est impérissable. L'intellect peut raisonner, discuter, analyser, tirer des
conclusions à partir d'inductions, et ainsi de suite ; mais il est limité, car
il est le résultat de notre conditionnement. Il n'en va pas de même pour la
sensibilité. La sensibilité n'est pas conditionnée ; elle vous arrache d'un
seul coup au territoire des peurs et des angoisses...
6 septembre
Comprendre en un éclair
Je ne sais pas si vous avez
remarqué que la compréhension survient lorsque l'esprit est très silencieux,
ne serait-ce que l'espace d'une seconde : l'éclair de compréhension est
lorsqu'il n'y a pas de verbalisation de la pensée. Faites-en l'expérience toute
simple, et vous verrez surgir en vous ce flash de compréhension, cet éclair de
lucidité fulgurante, qui surgit lorsque l'esprit est tout à fait tranquille,
que la pensée est absente, que l'esprit n'est pas assourdi par son propre
tumulte. Ainsi, toute compréhension (…) ne peut se faire que lorsque l’esprit
est tout à fait tranquille. Mais cette
tranquillité de l'esprit ne peut se cultiver, car si on la cultive, le résultat
obtenu n'est pas un esprit tranquille, mais un esprit mort.
Plus vous vous intéressez à une chose, plus
vous voulez comprendre, plus votre esprit est simple, lucide, libre. Alors
cesse toute verbalisation. La pensée, en effet, n'est faite que de mots, et
c'est le mot qui fait obstacle. C'est l'écran des mots, c'est-à-dire la
mémoire, qui s'interpose entre le défi, et notre réponse au défi. C'est le mot
qui répond au défi, et c'est ce que nous appelons l'intellection. Et donc, un
esprit bavard, qui verbalise sans cesse, ne peut pas comprendre la vérité – la vérité
telle qu’elle est dans la relation, et non une vérité abstraite. Il n’existe
pas de vérité abstraite. Mais la vérité est chose très subtile... Comme un
voleur dans la nuit, elle vient quand on ne l'attend pas, secrète et
mystérieuse.
7 septembre
L'intellect pris au dépourvu
Vous ne pouvez vous connaître
vous-même que lorsque vous n'êtes pas sur vos gardes, que vous ne calculez pas,
ne vous protégez pas, que vous n’êtes pas aux aguets, prêt à guider, à
transformer, à soumettre, à contrôler, lorsque vous vous voyez de façon
inopinée, c'est-à-dire quand l'esprit
n'a aucune idée préconçue à son propre égard, quand l'esprit est ouvert, et ne
se prépare pas d'avance à rencontrer l'inconnu.
Si votre esprit s'est préparé
d'avance, vous ne pourrez assurément pas rencontrer l'inconnu, car vous êtes
le connu. (...) Si vous avez des idées préconçues à votre propre égard, vous ne
pouvez pas comprendre l’inconnu, qui est spontané.
Donc, la spontanéité ne peut
jaillir que lorsque l'intellect n'est pas sur ses gardes, quand il ne se
protège pas, quand il n'a plus peur de lui-même ; et cela ne peut jaillir
que de l’intérieur. Autrement dit, le spontané
doit être l’inédit, l’inconnu, l’incalculable, le créatif, ce qui doit
impérativement être exprimé, aimé, et en quoi la volonté en tant que processus
de l’intellect qui contrôle, qui dirige, ne joue aucun rôle.
Observez vos propres états émotionnels
et vous verrez que les instants de grande joie, d'immense extase, ne sont
jamais prémédités : ce sont des événements imprévisibles, mystérieux,
secrets.
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