dimanche 22 mai 2016

Les mots

Lorsque nous donnons un nom à une chose que nous voyons, que nous sentons, ou qui fait pour nous l’objet d’une expérience, le mot prend une importance extraordinaire ; or le mot, c’est le temps.
L’esprit peut-il se libérer du mot ?  Quelle importance extraordinaire nous avons donné à ces mots, et combien nous en sommes esclaves !
 Lorsque l’esprit n’est pas encombré de mots, la pensée cesse d’être la pensée telle que nous la connaissons, elle ne connaît donc pas de frontière – la frontière, c’est le mot. Un esprit qu1 ne fonctionne pas en mot est sans limite. Il n’est pas captif . Si l’esprit,  peut atteindre à cette extraordinaire faculté de vision, dans cette rencontre inopinée il n’y a pas d’effort, pas de quête, pas d’expérience, ainsi l’esprit est aiguisé, éveillé à l’extrême, et ne dépend plus d’aucune expérience pour rester en éveil. Ce flash de compréhension, cette extraordinaire rapidité de vision pénétrante, vous vient quand l’esprit est tout à fait tranquille, silencieux, que la pensée est absente, que l’esprit n’est pas encombré par son propre bruitL’esprit piégé dans le filet des mots ne peut pas comprendre la vérité. 
Krishnamurti: Le livre de la méditation et de la vie
15 mai
Comprendre les mots 
J’ignore si vous avez déjà examiné, approfondi tout ce processus de verbalisation, de dénomination. (…) le temps est un espace dont le mot est le centre. Toute pensée est un processus de mise en mots : c’est en mots que nous pensons. L’esprit peut-il se libérer du mot ?
Ne demandez pas : « Comment puis-je me libérer ? » Cela n’a aucun sens. Mais interrogez-vous vous-mêmes, et voyez à quel point vous êtes esclaves de mots …

16 mai
Le souvenir brouille la perception 
Etes-vous en ce moment en train de spéculer, ou faites-vous une expérience réelle, tandis que nous cheminons ensemble ? Vous ignorez ce qu’est l'esprit religieux, n’est-ce pas ? (…) De même que vous entrevoyez le ciel magnifique quand le nuage se déchire ; mais, dès que vous apercevez le pan de ciel bleu, cela devient un souvenir, que vous voulez renouveler – et dans lequel vous vous noyez ; plus vous désirez le mot pour l’engranger sous forme d’expérience, plus vous vous y noyez.

17 mai
Le mot crée des barrières
Existe-il une pensée sans mots ?  Lorsque l’esprit n’est pas encombré de mots, la pensée cesse d’être la pensée telle que nous la connaissons, pour devenir une activité d’où le mot, le symbole, est absent ; elle ne connaît donc pas de frontière – la frontière, c’est le mot.
(…) Or un esprit que ne fonctionne pas en mots est sans limite. Il n’est pas captif…Prenons le mot amour, Par exemple : (…) Dès que je prononce ce mot, vous vous mettez à sourire, vous vous redressez, vous ressentez quelque chose. Le mot amour éveille donc toutes sortes d’idées, toutes de divisions, entre le charnel et le spirituel, (…) Pour découvrir ce qu’est l’amour, l’esprit doit, bien sûr, s’affranchir de ce mot et du poids de ce mot.

18 mai
Au-delà des mots
Pour pouvoir nous comprendre mutuellement, il est à mon sens indispensable de ne pas être captif des mots. (…) Il nous est donc quasiment impossible de communiquer, si nous n’avons pas, de part et d’autre, la ferme volonté de comprendre et d’aller au-delà des simples mots.
(…) L’esprit est fait de mots, entre autres choses. L’esprit peut-il, par exemple, se libérer du mot envie ? Faites-en expérience et vous verrez que des mots comme Dieu, vérité, haine, envie, exercent sur l’esprit une influence profonde. L’esprit peut-il se libérer de ces mots, tant au niveau neurologique que psychologique ? (…)
Quand l’esprit parvient à regarder directement ce fait qu’il nomme envie, alors le fait lui-même a une action plus rapide que l’effort déployé par l’esprit pour agir sur lui. Tant que l’esprit songe à se débarrasser de l’envie par l’intermédiaire d’un idéal de non- envie, etc., cela le distrait, il n'affronte pas le fait, et c'est le mot envie qui le distrait du fait. Le processus de récognition ne passe pas par le mot ; et dès l'instant où c'est à travers le mot que je reconnais un sentiment, je lui donne une continuité.

19 mai
Une vision extraordinaire
C’est pourquoi nous voulons savoir si l’esprit, comme aux origines, peut atteindre à cette extraordinaire faculté de vision, de perception, pas en partant de la périphérie, de l’extérieur, des lisières – mais en une rencontre qui soit spontanée. (…) Dans cette rencontre inopinée il n’y a pas d’effort, pas de quête, pas d’expérience ; mais il y a rejet total de toutes les pratiques normalement mises en œuvre pour accéder à ce centre, pour connaître cette éclosion. Ainsi l’esprit est aiguisé, éveillé à l’extrême, et ne dépend plus d’aucune expérience pour rester en éveil.
Lorsqu’on se pose à soi-même la question, on peut en rester au niveau verbal ; et, pour la plupart d'entre nous, c'est forcément le seul niveau possible. Mais il faut bien comprendre que le mot n’est pas la chose. (…) par exemple le mot Dieu est si lourdement chargé de sens et a hypnotisé les gens à un tel point qu’ils sont prêts à l’accepter ou à le rejeter, et à se comporter comme des écureuils en cage !

 20 mai
La perception de la vérité est immédiate
Le stade verbal est le fruit d’une élaboration qui s’est faite laborieusement au fil des siècles, au gré des relations entre individu et société ; par conséquent, le mot, le stade verbal, est un état de choses à la fois social et individuel, Pour pouvoir communiquer comme nous faisons, j’ai besoin de la mémoire, des mots, (…) Le mot ne se développe pas uniquement dans les relations d’ordre social, mais aussi dans le cadre des liens sociaux, en tant que réaction par rapport à des situations individuelles ; les mots sont nécessaires. Il faut donc se demander si, après tout le temps qu’il a fallu, siècle après siècle, pour que s’élabore le symbole, le stade verbal, tout cela peut s’effacer, s’évanouir, là, immédiatement …Est-ce à force de temps que nous allons nous libérer de cet emprisonnement verbal de l’esprit, qui a mis des siècles à s’échafauder ? (…) La perception de la vérité de toute chose, quelle qu’elle soit, n’est pas de l’ordre du temps – elle est immédiate. Notre esprit peut-il briser tous les obstacles en une seconde, à l’instant même où il questionne ? L’esprit peut-il voir la barrière du mot, l’esprit peut-il être dans cet état où il n’est plus prisonnier du temps ?

21 mai
Subtile vérité
(…) Comprendre – que ce soit un tableau moderne, un enfant, votre femme, votre voisin, ou la vérité, présente en toute chose, ou quoi que ce soit d’autre – n’est donc possible que lorsque l’esprit est très tranquille. Mais c’est une tranquillité qui ne se cultive pas, car à cultiver un esprit tranquille, on gagne un esprit mort.
…Plus une chose vous intéresse, plus vous cherchez à comprendre, et plus l’esprit est simple, clair, libre. Alors cesse la verbalisation.
La pensée c’est le mot, et c’est lui qui interfère, c’est l’écran des mots, autrement dit le souvenir, qui intervient entre la sollicitation du défi et la réponse. C’est le mot, qui est la réaction face à cette sollicitation, que nous appelons intellection. C’est pourquoi un esprit occupé à bavarder, à verbaliser, ne peut pas comprendre la vérité – la vérité en situation dans la relation, pas une vérité abstraite. La vérité abstraite cela n’existe pas. Mais la vérité est très subtile. C’est cette subtilité qui la rend difficile à suivre. Elle n’est cependant pas abstraite. Sa trajectoire est si fugace, si secrète, qu’elle ne peut être captée par l’esprit. Comme un voleur dans la nuit, elle vient subrepticement, quand vous ne l’attendez pas. Vous y préparer d’avance ne serait que répondre aux invites de votre avidité. L’esprit piégé dans le filet des mots ne peut pas comprendre la vérité.
  




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire