Sans la pensée,
il n’y a pas de sentiment ; et derrière la pensée, se cache le plaisir :
le plaisir, le mot, la pensée, le sentiment vont donc de pair.
Dès l’instant
où vous donnez un nom, où vous mettez une étiquette à ce sentiment, vous l’avez
ramené dans le cadre de tout ce qui est vieux ; et le vieux, c’est l’observateur, séparé, fait de mots, d’idées, d’opinions sur ce qui est
juste ou faux.
Vous savez ce
qu’est le plaisir ? Lorsque vous regardez quelque chose, ou que vous
éprouvez un sentiment, le fait de songer à ce sentiment, de vous attarder
constamment sur lui vous procure un plaisir, et ce plaisir, vous en avez
besoin, et vous voulez qu’il se répète, encore et encore. Pour que l’amour éclose, le processus de mémoire
doit cesser. La mémoire n’entre en jeu que si une expérience n’a pas été
pleinement, totalement comprise.
L'amour est une flamme sans fumée, toujours neuve, créative et joyeuse.
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie
8 mai
Une observation hors de
toute pensée
Toute observation qui s’effectue sans
la pensée, le sentiment, le mot, est énergie. Le mot l’association, la pensée,
le plaisir et le temps épuisent l’énergie : de ce fait, il n’en reste plus
pour regarder.
9 mai
Le sentiment total
Qu’est-ce que le sentiment ? Il
ressemble à la pensée. (…) Le sentiment est une sensation, c’est évident – une sensation
de plaisir ou de déplaisir, de bien ou de mal, de bon ou de mauvais goût, et
ainsi de suite. Ce sentiment a-t-il un lien avec l’amour ? (…) Quand vous
aurez compris le sentiment de manière totale, et non fragmentaire, quand vous l’aurez
réellement compris en totalité, alors vous saurez ce qu’est l’amour. Quand vous
saurez voir la beauté d’un arbre, la beauté d’un sourire, quand vous saurez
regarder le soleil se coucher derrière les murs de votre ville – et que votre
vision sera totale – alors vous saurez ce qu’est l’amour.
10 mai
Ne nommez pas ce sentiment
Dès qu’on observe un sentiment, il
cesse d’exister. Mais si, bien que le sentiment ait cessé, il reste un
observateur, la contradiction est toujours là. Il est donc essentiel de
comprendre comment nous observons un sentiment. (…) Des l’instant où vous
donnez un nom, où vous mettez une étiquette à ce sentiment, vous l’avez ramené
dans le cadre de tout ce qui est vieux ; et le vieux, c’est l’observateur,
l’entité séparée, faite de mots, d’idées, d’opinions sur ce qui est juste ou
faux… Mais si vous ne nommez pas ce sentiment – et cela exige une formidable
vigilance, une compréhension profonde et immédiate – vous vous apercevrez qu’il
n’y a plus d’observateur, de penseur, de centre à partir duquel vous jugez, et
que vous n’êtes pas différent de ce sentiment. Ce « vous » qui ressent n’est
plus.
11 mai
Les émotions, voie sans issue
Que vous soyez guidés par vos
émotions ou par votre intellect, cela vous mène au désespoir car c’est une voie
sans issue. Mais vous vous rendez bien compte que l’amour n’est pas le plaisir,
qu’il n’est pas le désir.
(…) lorsqu’un homme est en quête de
pouvoir, d’une situation ou de prestige, au nom de la nation, au nom d’une
idée, et ainsi de suite, il en retire un plaisir. Mais il est totalement
dépourvu d’amour, c’est pourquoi il répand le malheur à travers le monde. Il
apporte avec lui la guerre, à l’intérieur de nous comme à l’extérieur.
Il faut donc voir le fait que nos
émotions, nos sentiments, notre enthousiasme, notre bonté supposée et tout le
reste n’ont absolument rien à voir avec l’affection véritable, la compassion
vraie. Les sentiments, les émotions sont tous liés à la pensée et conduisent
donc au plaisir et à la douleur. L'amour ne connaît ni douleur ni souffrance,
car il n’est ni le fruit du plaisir ni le fruit du désir.
12 mai
Le souvenir est la négation de l’amour
Est-il possible d’aimer sans qu’intervienne
la pensée ?
Qu’entendez-vous par la pensée ?
La pensée est une réponse aux souvenirs liés à la douleur ou au plaisir. Elle est
indissociable des résidus que laissent derrière elles les expériences
inachevées. L’amour est différent du sentiment et de l’émotion. Il ne peut pas
s’enfermer dans le champ étroit de la pensée, contrairement aux émotions et aux
sentiments.
L’amour est une flamme sans fumée, toujours neuve, créative et joyeuse. (…) Savez-vous
que, lorsqu’on aime quelqu’un, c’est l’humanité tout entière que l’on aime ?
Ignorez-vous à quel point il est dangereux d’aimer les hommes ? Car alors
il n’y a plus de barrières, plus de nationalités ; alors, plus de course au
pouvoir et à l’influence, et les choses reprennent leur juste valeur.
Pour que l’amour éclose, le
processus de mémoire doit cesser. La mémoire n’entre en jeu que si une
expérience n’a pas été pleinement, totalement comprise. (…) La vie est
une succession de défis et de réponses à ces défis. Le défi est toujours neuf,
mais la réponse invariablement vieille. Cette réponse qui est notre
conditionnement, qui est l’écho du passé, doit être comprise, et non brimée,
condamnée, réduite au silence. Cela signifie qu’il faut vivre chaque jour avec
une fraîcheur neuve, une plénitude totale. (…) il suffit que l’amour soit là
pour que cesse enfin la mémoire, alors chaque mouvement est une renaissance.
13 mai
Ne nommez jamais un sentiment
(…) Si vous n’y mettez pas d’étiquettes,
vous devez considérer chaque sentiment dès qu’il surgit. Lorsque vous le
nommez, le sentiment est-il différent du nom ? Ou est-ce le nom qui
éveille le sentiment ?
(…) Si la pensée cesse d’être une
activité verbale, ou une manipulation d’images et de symboles, (…) qu’arrive-t-il ?
L’esprit devient autre chose qu’un simple observateur, car, ne pensant plus en
termes de mots, de symboles, d’images, le penseur n’est plus séparé de la
pensée. Et l’esprit est alors silencieux. Lorsque l’esprit est réellement
calme, les sentiments qui surgissent peuvent être traités immédiatement. Ce n’est
que lorsque nous donnons des noms aux sentiments – en les renforçant de ce fait
– que nous leur donnons une continuité ; ils sont emmagasinés au centre de
nous-mêmes, et à partir de ce point nous leur mettons de nouvelles étiquettes
qui les fortifient ou les communiquent.
14 mai
Restez en présence du sentiment
Vous ne demeurez jamais face à face
avec un sentiment pur et simple : vous l’enveloppez toujours dans un
fatras de mots. Les mots le déforment ; la pensée, tourbillonnant autour
de lui, le précipite dans l’ombre, l’étouffe sous une montagne de peurs et de
désirs. (…) Quand surgit le sentiment de haine, vous dites que c’est mal ;
puis vient l’effort, la lutte pour vaincre cette haine, toute l’agitation des
pensées tournant autour d’elle…(…) Essayez de rester au contact d’un sentiment,
et voyez ce qui arrive. Vous allez trouver cela extrêmement ardu. Ce sentiment,
votre esprit va refuser de le laisser en paix ; il va entrer en scène,
avec le torrent de ses souvenirs, de ses associations, de ses injonctions et de
ses interdits, de ses bavardages incessants. (…) Pouvez-vous vivre le vrai
sentiment caché sous le mot, au lieu du sentiment fabriqué par le mot ? Si
vous en êtes capable, alors vous allez découvrir une chose extraordinaire, un
mouvement au-delà de toute mesure de temps, un printemps qui ne connaît jamais d’été.
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