mercredi 30 mars 2016

La peur

photographe : Magüi Trujillo
         L’esprit peut-il se vider complètement de toute peur ?  La peur, quelle qu’en soit la nature, engendre l’illusion ; elle rend l’esprit terne et creux. La peur exclut évidement toute liberté, et sans liberté n’est point d’amour.
Ce que je mets en question, c’est l’autodéfense psychologique qui fait que nous craignons la maladie, la mort ou un ennemi.
L’essentiel est donc de prendre conscience de tout ce processus du moi, de l’observer, d’apprendre à le connaître, et non de chercher à savoir comment se débarrasser de la peur.
La peur trouve des évasions de formes différentes. La plus commune est l’identification – l’identification avec un pays, avec la société, avec une idée. N’avez-vous pas remarqué la façon dont vous réagissez lorsque vous assistez à un défilé militaire ou à une procession religieuse…
Savez-vous maintenant ce qu’est la peur ? N’est-ce point la non-acceptation de ce qui est ?
Le temps signifie partir de ce qui est pour aller vers « ce qui devrait être ».
Le temps, c’est la pensée : c’est la pensée qui engendre la peur (de la mort) ; et le temps - qui est la pensée - tient entre ses mains toutes les complexités, toutes les subtilités de la peur.
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie

22 mars
Se libérer de la peur
(…) Des peurs, nous en avons à la douzaine. Est-il donc possible d’être totalement libre de toute peur ? (...) Le réflexe instinctif, physique, d’autodéfense, qui nous pousse à nous tenir à distance du serpent venimeux, à nous éloigner du précipice, (…) est une réaction sensée, normale et saine.
 (…) Lorsqu’on cherche à se réaliser, de quelque façon de ce soit – à travers la peinture, la musique, la relation, que sais-je encore -, la peur est toujours présente.
(…) Si votre unique but est de vous débarrasser de la peur, vous trouverez toujours un moyen, une manière de la fuir et ainsi nul ne pourra jamais être libéré de la peur. 

23 mars 
Comment venir à bout de la peur
(...) êtes-vous décidé à être assez courageux pour  affronter les événements de la vie, ou allez-vous éluder la peur à grand renfort de rationalisation, ou trouver des explications qui satisferont un esprit prisonnier de la peur? Comment en venir à bout? 
Est-ce en allumant la radio, en lisant un livre, en allant au temple, en vous raccrochant un dogme, à une croyance? 

La peur est, en l'homme, l'énergie qui détruit. Elle flétrit l'esprit, elle gâchait la pensée, elle conduit à toutes sortes de théories extraordinairement habiles et subtiles, de superstitions, de dogmes et de croyances. Si vous voyez que la peur est destructrice, alors comment allez-vous vous y prendre pour en effacer toute trace dans votre esprit? Vous dites que fouiller les racines de la peur vous en libérerait. Mais est-ce bien exacte? Essayer d'en découvrir les causes et d'en connaître l'origine ne suffit pas à éliminer la peur. 

24 mars
Les portes de la compréhension 
On ne peut pas faire disparaître la peur sans comprendre, sans explorer vraiment en profondeur la nature du temps, c'est-à-dire de la pensée, c'est-à-dire du mot. D'où notre question : existe-t-il une pensée en dehors du mot, existe-t-il une pensée sans le mot qui est le mémoire ? (...) Il faut considérer la peur dans le contexte global de l’esprit. Et pour voir, pour explorer tout cela en profondeur, il faut de l’énergie. (...) et cette énergie se dissipe lorsque vous vous battez à coup de mots, que vous résistez, que vous condamnez, que vous êtes imbu d'opinions qui vous empêchent de regarder, de voir - toute votre énergie y passe. Donc, en accordant votre considération à cette perception, à cette observation, vous ouvrez à nouveau les portes.

25 mars
La peur nous pousse à obéir 
Pourquoi ne faisons-nous qu'obéir, suivre et imiter?  Pourquoi?  Parce qu'à l'intérieur de nous-mêmes, nous redoutons l'incertitude. Nous voulons des certitudes, financières, morales, nous voulons être approuvés, être en position de sécurité, éviter à tout prix d'être confrontés aux problèmes, à la douleur, à la souffrance, nous voulons être en lieu sûr. (...) Peu importe qu'on obéisse ou qu'on soit obéi ; ce qui compte, c'est de comprendre cette peur, jour après jour, et de comprendre les multiples visages de la peur. Ce n'est qu'une fois que l'on est libéré de la peur qu'apparaît cette qualité intérieure de compréhension, cette solitude dans laquelle il n'est aucune accumulation de savoir ou d'expérience, et c'est cela et cela seul qui peut apporter, dans cette quête du réel, une lucidité extraordinaire. 

26 mars 
Face à face avec le fait 
De quoi avons-nous peur ? Est-ce d’un fait ou d’une idée concernant le fait ? (…) Avons-nous peur du fait de la mort ou de l'idée de la mort? Le fait réel et l'idée que l'on s'en fait sont deux choses très différentes. Si j'ai peur de l'idée, du mot mort, je ne comprendrai jamais le fait, je ne le verrai jamais, je ne serai jamais en contact direct avec lui. Ce n'est que lorsque je suis en communion complète avec le fait que je ne crains pas. (...) Si je suis libre d'affronter le fait, il n'y a rien à comprendre : le fait est là, et je peux agir. Si par contre j'ai peur du mot, c'est le mot que je dois comprendre ; je dois entrer dans tout le processus que le mot, que l'idée impliquent ...
Ce qui cause la peur, ce sont mes opinions, mes appréhensions au sujet du fait, mais pas le fait lui-même. (...) La pensée est le produit du passée, elle n'existe qu'au moyen de mots, de symboles, d'images ; et tant qu'elle commente ou traduit un fait, il y a forcément de la peur.

27 mars 
Au contact de la peur 
Il y a la peur physique. Par exemple, quand vous voyez un serpent, un animal sauvage, la peur naît instinctivement : cette peur est normale, saine, naturelle. Ce n'est pas de la peur, c'est le désir de se protéger - qui est normal. Mais l'autoprotection d'ordre psychologique - c'est-à- dire le désir de certitude permanente - engendre la peur. Un esprit qui veut toujours être sûr de tout est un esprit mort, car il n'y a dans la vie aucune certitude, aucune permanence ...Lorsqu'on entre en contact direct avec la peur, il y a une réponse du système nerveux, et ainsi de suite. Alors, lorsque l'esprit cesse de fuir dans les mots et dans des activités de tous ordres, il n'y a plus de division entre l'observateur et l'objet de son observation, qui est la peur. (...) Quand il y a réellement contact avec la peur, il n'y a  pas d'observateur, d'entité qui dit : « j'ai peur ». Donc, dès l'instant où vous entrez en contact direct avec la vie, (...) il n'y a plus division - c'est cette division qui engendre la compétition, l'ambition, la peur.
(...) Si vous comprenez la peur - ce qui ne peut se produire que lorsque vous entrez en contact direct avec elle, comme vous êtes en contact avec la faim, (...) alors vous agissez efficacement ; ce n'est qu'alors que vous vous apercevrez que cesse toute peur - et nous disons bien toute peur, et non telle ou telle forme de peur.

28 mars
La peur est la non-acceptation de ce qui est 
(…) L’identification est un processus d’oubli de soi : tant que je suis conscient du « moi » je sais qu’il y a là de la souffrance, des conflits, une peur incessante. Mais si je peux m’identifier à quelque chose de grand, et de réellement valable, tel que la beauté, la vie, la vérité, la croyance, le savoir, ne serait-ce que temporairement, J’échappe au « moi », n’est-ce pas ?
(…) Savez-vous maintenant ce qu’est la peur ? N’est-ce point la non-acceptation de ce qui est ? Il nous faut comprendre le mot acceptation. Je ne l’emploie pas dans le sens d’un effort que l’on peut faire pour accepter. La question d’accepter ou non ce qui est ne se pose pas si je le perçois clairement. C’est lorsque je ne le vois pas clairement que je fais intervenir le processus d’acceptation. La peur est donc la non-acceptation de ce qui est.

29 mars
Ce désordre que crée le temps
Le temps signifie partir de ce qui est pour aller vers « ce qui devrait être ».J’ai peur, mais un jour je serai libéré de la peur ; le temps est donc nécessaire à cette libération – du moins, nous le croyons. (…) La peur me déplaît, et je vais faire un effort pour la comprendre, l’analyser, la disséquer, ou en découvrir la cause, ou encore la fuir totalement. Tout cela suppose un effort – et nous sommes habitués aux efforts. (…) « Ce que je suis » ne peut se modifier que si je comprends le désordre que suscite le temps. (…) Si je laisse persister la peur, je vais susciter un désordre perpétuel ; on voit donc que le temps est un élément de désordre, et non un moyen de se délivrer définitivement de la peur.il n’existe donc pas de processus graduel permettant de se débarrasser de la peur.

30 mars 
Quel regard ai-je sur la colère?

Le regard que je porte sur la colère est évidemment celui de l’observateur en colère. Je dis : « je suis en colère ». Dans le feu de la colère, il n y a pas de « je » ; le « je » se manifeste tout de suite après – ce qui implique le temps. Puis-je regarder le fait sans qu’intervienne le facteur temps, qui est la pensée, qui est le mot ? C’est ce qui se produit quand l’observation a lieu sans l’observateur. (…) Je commence à présent à me rendre compte qu’il peut exister une vraie vision une perception sans opinion, sans conclusions préalables, sans condamnation ni jugement. Donc, je sais qu’il est possible de « voir » sans qu’intervienne la pensée, c’est-à-dire le mot. L’esprit est hors de portée des griffes des idées, des conflits de dualité et de tout le reste. Puis-je alors considérer la peur autrement que comme un fait isolé ?

Si l’observation d’un fait isolé n’a pas suffi à vous ouvrir totalement les portes sur l’univers de l’esprit, alors il faut revenir au fait, et recommencer, en examiner d’autres, jusqu’à ce que vous commenciez vous-même à voir cette chose extraordinaire qu’est l’esprit, que vous en ayez la clé, que puissiez ouvrir les portes, et faire irruption dans cet univers…
(…) A l’instant même où vous ouvrez les portes, toute peur est complètement balayée. 
un espace de  trop

31 mars
La racine de toute peur
(…) L’état de non-peur, ce n’est ni la négation, ni le contraire de la peur, ce n’est pas non plus le courage. (…) Tout devenir porte en lui le germe de la peur. La dépendance par rapport aux objets, aux personnes ou aux idées a pour origine l’ignorance,  l’absence de connaissance de soi, la pauvreté intérieure ; la peur suscite l’incertitude dans notre univers mental et affectif, bloquant toute communication et toute compréhension. Grace à la connaissance de soi nous commençons à découvrir et à comprendre les causes de la peur – non seulement des peurs superficielles, mais de toutes les peurs accumulées, les peurs profondes, originelles.
La peur est à la fois innée et acquise ; elle est liée au passé, et pour délivrer de la peur notre système de pensée-perception, le passé doit être compris à travers le présent. Le passé ne cesse de vouloir donner naissance au présent qui devient la mémoire identificatrice du « moi » et du «  mien », du « je ».  L’ego est la racine de toute peur.












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