photographe : Magüi Trujillo |
L’esprit peut-il se vider
complètement de toute peur ? La peur, quelle qu’en soit la nature,
engendre l’illusion ; elle rend l’esprit terne et creux. La peur exclut
évidement toute liberté, et sans liberté n’est point d’amour.
Ce que je mets en question, c’est
l’autodéfense psychologique qui fait que nous craignons la maladie, la mort ou
un ennemi.
L’essentiel est donc de prendre
conscience de tout ce processus du moi, de l’observer, d’apprendre à le
connaître, et non de chercher à savoir comment se débarrasser de la peur.
La peur trouve des évasions de formes différentes. La plus
commune est l’identification – l’identification avec un pays, avec la société,
avec une idée. N’avez-vous pas remarqué la façon dont vous réagissez lorsque
vous assistez à un défilé militaire ou à une procession religieuse…
Le temps, c’est la pensée : c’est la pensée qui engendre la peur (de la mort) ; et le temps - qui est la pensée - tient entre ses mains toutes les complexités, toutes les subtilités de la peur.
22 mars
Se libérer de la peur
(…) Des peurs, nous en avons à la
douzaine. Est-il donc possible d’être totalement libre de toute peur ? (...) Le
réflexe instinctif, physique, d’autodéfense, qui nous pousse à nous tenir à
distance du serpent venimeux, à nous éloigner du précipice, (…) est une
réaction sensée, normale et saine.
(…) Lorsqu’on cherche à se réaliser, de
quelque façon de ce soit – à travers la peinture, la musique, la relation, que
sais-je encore -, la peur est toujours présente.
(…) Si votre unique but est de vous débarrasser
de la peur, vous trouverez toujours un moyen, une manière de la fuir et ainsi
nul ne pourra jamais être libéré de la peur.
23 mars
Comment venir à bout de la peur
23 mars
Comment venir à bout de la peur
(...) êtes-vous décidé à être assez courageux pour affronter les événements de la vie, ou allez-vous éluder la peur à grand renfort de rationalisation, ou trouver des explications qui satisferont un esprit prisonnier de la peur? Comment en venir à bout?
Est-ce en allumant la radio, en lisant un livre, en allant au temple,
en vous raccrochant un dogme, à une croyance?
La
peur est, en l'homme, l'énergie qui détruit. Elle flétrit l'esprit, elle gâchait la pensée, elle conduit à toutes sortes de théories extraordinairement
habiles et subtiles, de superstitions, de dogmes et de croyances. Si vous voyez
que la peur est destructrice, alors comment allez-vous vous y prendre pour en
effacer toute trace dans votre esprit? Vous dites que fouiller les racines de
la peur vous en libérerait. Mais est-ce bien exacte? Essayer d'en découvrir les
causes et d'en connaître l'origine ne suffit pas à éliminer la peur.
24 mars
Les portes de la compréhension
On
ne peut pas faire disparaître la peur sans comprendre, sans explorer vraiment
en profondeur la nature du temps, c'est-à-dire de la pensée, c'est-à-dire du mot.
D'où notre question : existe-t-il une pensée en dehors du mot, existe-t-il une
pensée sans le mot qui est le mémoire ? (...) Il faut considérer la peur dans
le contexte global de l’esprit. Et pour voir, pour explorer tout cela en
profondeur, il faut de l’énergie. (...) et cette énergie se dissipe lorsque
vous vous battez à coup de mots, que vous résistez, que vous condamnez, que
vous êtes imbu d'opinions qui vous empêchent de regarder, de voir - toute votre
énergie y passe. Donc, en accordant votre considération à cette perception, à
cette observation, vous ouvrez à nouveau les portes.
25 mars
La peur nous pousse à obéir
Pourquoi
ne faisons-nous qu'obéir, suivre et imiter? Pourquoi? Parce qu'à l'intérieur de nous-mêmes, nous
redoutons l'incertitude. Nous voulons des certitudes, financières, morales,
nous voulons être approuvés, être en position de sécurité, éviter à tout prix
d'être confrontés aux problèmes, à la douleur, à la souffrance, nous voulons
être en lieu sûr. (...) Peu importe qu'on obéisse ou qu'on soit obéi ; ce qui
compte, c'est de comprendre cette peur, jour après jour, et de comprendre les
multiples visages de la peur. Ce n'est qu'une fois que l'on est libéré de la
peur qu'apparaît cette qualité intérieure de compréhension, cette solitude dans
laquelle il n'est aucune accumulation de savoir ou d'expérience, et c'est cela
et cela seul qui peut apporter, dans cette quête du réel, une lucidité
extraordinaire.
26 mars
Face à face avec le fait
De quoi avons-nous peur ?
Est-ce d’un fait ou d’une idée concernant le fait ? (…) Avons-nous peur du
fait de la mort ou de l'idée de la mort? Le fait réel et l'idée que l'on s'en
fait sont deux choses très différentes. Si j'ai peur de l'idée, du mot
mort, je ne comprendrai jamais le fait, je ne le verrai jamais, je ne serai
jamais en contact direct avec lui. Ce n'est que lorsque je suis en communion
complète avec le fait que je ne crains pas. (...) Si je suis libre d'affronter
le fait, il n'y a rien à comprendre : le fait est là, et je peux agir. Si par
contre j'ai peur du mot, c'est le mot que je dois comprendre ; je dois entrer
dans tout le processus que le mot, que l'idée impliquent ...
Ce qui cause la peur,
ce sont mes opinions, mes appréhensions au sujet du fait, mais pas le fait lui-même.
(...) La pensée est le produit du passée, elle n'existe qu'au moyen de mots, de
symboles, d'images ; et tant qu'elle commente ou traduit un fait, il y a
forcément de la peur.
27 mars
Au contact de la peur
Il y a la peur physique. Par
exemple, quand vous voyez un serpent, un animal sauvage, la peur naît
instinctivement : cette peur est normale, saine, naturelle. Ce n'est pas de la
peur, c'est le désir de se protéger - qui est normal. Mais l'autoprotection
d'ordre psychologique - c'est-à- dire le désir de certitude permanente -
engendre la peur. Un esprit qui veut toujours être sûr de tout est un esprit
mort, car il n'y a dans la vie aucune certitude, aucune permanence ...Lorsqu'on
entre en contact direct avec la peur, il y a une réponse du système nerveux,
et ainsi de suite. Alors, lorsque l'esprit cesse de fuir dans les mots et dans
des activités de tous ordres, il n'y a plus de division entre
l'observateur et l'objet de
son observation, qui est la peur. (...) Quand il y a réellement contact avec la
peur, il n'y a pas d'observateur, d'entité qui dit : « j'ai peur ». Donc,
dès l'instant où vous entrez en contact direct avec la vie, (...) il n'y a plus
division - c'est cette division qui engendre la compétition, l'ambition, la peur.
(...) Si vous comprenez la peur -
ce qui ne peut se produire que lorsque vous entrez en contact direct avec
elle, comme vous êtes en contact avec la faim, (...) alors vous agissez
efficacement ; ce n'est qu'alors que vous vous apercevrez que cesse toute peur
- et nous disons bien toute peur, et non telle ou telle forme de peur.
28 mars
La peur est la non-acceptation de ce qui est
(…) L’identification est un
processus d’oubli de soi : tant que je suis conscient du « moi »
je sais qu’il y a là de la souffrance, des conflits, une peur incessante. Mais
si je peux m’identifier à quelque chose de grand, et de réellement valable, tel
que la beauté, la vie, la vérité, la croyance, le savoir, ne serait-ce que temporairement,
J’échappe au « moi », n’est-ce pas ?
(…) Savez-vous maintenant ce qu’est
la peur ? N’est-ce point la non-acceptation de ce qui est ? Il
nous faut comprendre le mot acceptation. Je ne l’emploie pas dans le
sens d’un effort que l’on peut faire pour accepter. La question d’accepter ou
non ce qui est ne se pose pas si je le perçois clairement. C’est lorsque
je ne le vois pas clairement que je fais intervenir le processus d’acceptation.
La peur est donc la non-acceptation de ce qui est.
29 mars
Ce désordre que crée le temps
Le temps signifie partir de ce
qui est pour aller vers « ce qui devrait être ».J’ai peur, mais un
jour je serai libéré de la peur ; le temps est donc nécessaire à cette
libération – du moins, nous le croyons. (…) La peur me déplaît, et je vais
faire un effort pour la comprendre, l’analyser, la disséquer, ou en découvrir
la cause, ou encore la fuir totalement. Tout cela suppose un effort – et nous
sommes habitués aux efforts. (…) « Ce que je suis » ne peut se
modifier que si je comprends le désordre que suscite le temps. (…) Si je laisse
persister la peur, je vais susciter un désordre perpétuel ; on voit donc
que le temps est un élément de désordre, et non un moyen de se délivrer
définitivement de la peur.il n’existe donc pas de processus graduel permettant
de se débarrasser de la peur.
30 mars
Quel regard ai-je sur la colère?
30 mars
Quel regard ai-je sur la colère?
Le regard que je porte sur la colère
est évidemment celui de l’observateur en colère. Je dis : « je suis en colère
». Dans le feu de la colère, il n y a pas de « je » ; le « je » se manifeste
tout de suite après – ce qui implique le temps. Puis-je regarder le fait sans
qu’intervienne le facteur temps, qui est la pensée, qui est le mot ? C’est ce
qui se produit quand l’observation a lieu sans l’observateur. (…) Je commence à
présent à me rendre compte qu’il peut exister une vraie vision une perception
sans opinion, sans conclusions préalables, sans condamnation ni jugement. Donc,
je sais qu’il est possible de « voir » sans qu’intervienne la pensée,
c’est-à-dire le mot. L’esprit est hors de portée des griffes des idées, des
conflits de dualité et de tout le reste. Puis-je alors considérer la peur
autrement que comme un fait isolé ?
Si l’observation d’un fait isolé
n’a pas suffi à vous ouvrir totalement les portes sur l’univers de l’esprit,
alors il faut revenir au fait, et recommencer, en examiner d’autres, jusqu’à ce
que vous commenciez vous-même à voir cette chose extraordinaire qu’est l’esprit,
que vous en ayez la clé, que puissiez ouvrir les portes, et faire irruption
dans cet univers…
(…) A l’instant même où vous
ouvrez les portes, toute peur est complètement balayée.
un espace de trop
31 mars
La racine de toute peur
(…) L’état de non-peur, ce n’est
ni la négation, ni le contraire de la peur, ce n’est pas non plus le courage. (…)
Tout devenir porte en lui le germe de la peur. La dépendance par rapport aux
objets, aux personnes ou aux idées a pour origine l’ignorance, l’absence de connaissance de soi, la pauvreté intérieure ;
la peur suscite l’incertitude dans notre univers mental et affectif, bloquant
toute communication et toute compréhension. Grace à la connaissance de soi nous
commençons à découvrir et à comprendre les causes de la peur – non seulement
des peurs superficielles, mais de toutes les peurs accumulées, les peurs profondes,
originelles.
La peur est à la fois innée et
acquise ; elle est liée au passé, et pour délivrer de la peur notre
système de pensée-perception, le passé doit être compris à travers le présent.
Le passé ne cesse de vouloir donner naissance au présent qui devient la mémoire
identificatrice du « moi » et du « mien », du « je ».
L’ego est la racine de toute peur.
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