mercredi 19 octobre 2016

La perception

Celui qui voit une chose de manière totale, qui perçoit la globalité de la vie, est forcément en dehors du temps, c’est une évidence. Si nous comprenons cette chose-là, alors nous comprendrons la routine du quotidien, l’ennui et les souffrances qui nous assaillent, les peurs et les angoisses qui nous donnent la nausée...
Ayant épuisé toutes les possibilités pour trouver la réponse, l’esprit devient spontanément silencieux. Alors est une conscience lucide, une conscience qui ne choisit rien, n’exige rien, une conscience d’où toute angoisse est absente ; et dans cet état d’esprit est la perception. Seule cette perception saura résoudre tous nos problèmes.
C’est dans la souffrance elle-même – non dans la fuite devant elle – que se réalise la fin de toute souffrance. S’écarter de la souffrance n’est rien d’autre que vouloir trouver une réponse, une conclusion, une échappatoire ; mais la souffrance continue. Alors que si vous lui accordez tout votre être, vous verrez alors qu’il y a une perception n’impliquant ni le temps, ni l’effort, ni le moindre conflit ; c’est cette perception immédiate, cette conscience sans choix, qui met fin à la souffrance. L’esprit qui est libéré de quelque chose n’est pas un esprit libre ; sa liberté, qui existe en fonction de quelque chose, n’est qu’une réaction ; ce n’est pas la liberté. L’esprit qui est à la recherche de la liberté n’est jamais libre. Mais il est libre dès qu’il comprend le fait, tel qu’il est, sans le traduire, le condamner, ni le juger ; et parce qu’il est libre, cet esprit est innocent...
Tout le problème, assurément, consiste à libérer l’esprit de façon absolue, de sorte qu’il soit dans un état de perception sans frontières, sans limites. Et comment l’esprit peut-il découvrir cet état ? Comment peut-il parvenir à cette liberté ?
Quand l’esprit sait percevoir sans la moindre fébrilité, alors il est capable de voir jusqu’au plus profond de lui-même ; et cette perception échappe à toute notion de temps. Il n’y a rien à faire de spécial pour la susciter ; il n’existe ni discipline, ni pratique, ni méthode qui permette d’apprendre à percevoir de cette façon-là.
Seul l’esprit innocent – l’esprit qui, tout ayant une vaste expérience de la vie, est en même temps vierge de tout savoir, de toute expérience -, seul un tel esprit peut découvrir cette chose qui est plus que le cerveau et l’esprit. 
Krishnamurti : Le livre de  la méditation et d la vie
8 octobre
Cette perception qui agit
Vous voyez et je ne vois pas – pourquoi cette situation ? Je pense qu’elle est due au fait que nous sommes tous impliqués dans le temps ; vous ne voyez pas les choses dans une perspective de temps, alors que je les perçois sur cet angle. Votre perception lucide est une action dans laquelle tout votre être est impliqué, et vous n’êtes pas tout entier piégé dans le temps ; vous ne pensez pas en termes de progression graduelle ; quand vous voyez une chose, c’est de manière immédiate, et c’est cette perception même qui agit. Moi, je ne vois rien ; je cherche à savoir ce qui me rend aveugle. Qu’est-ce qui peut me permettre de voir les choses de manière si complète, si totale que je les saisisse instantanément ?  Vous, vous voyez le panorama complet des structures de la vie : vous en voyez la beauté, la laideur, la souffrance, la joie, la sensibilité extraordinaire, la splendeur – vous en voyez tout l’ensemble, moi pas. Je n’en vois qu’une partie, pas totale…

9 octobre
A la lisière de toute pensée

Vous est-il déjà arrivé – oui, j’en suis sûr – d’avoir la perception soudaine d’un événement, et que, dans cet instant de perception, le problème s’évanouisse ? Le problème a définitivement cessé à l’instant même où vous l’avez perçu. (…) Vous avez un problème, (…) vous restez seul face au problème, et il n’y a pas d’issue. Ayant exploré le problème dans la plaine mesure de vos capacités, vous le laissez tomber. Votre esprit ne s’en préoccupe plus, cesse de s’y user, et vous cessez de dire « Je dois trouver une réponse » ; il devient alors silencieux, n’est-ce pas ? Et dans ce silence vous trouvez la réponse. Cela ne vous est-il jamais arrivé, à une occasion ou une autre ? Il n’y a rien exceptionnel à cela. C’est une chose qui arrive à de grands mathématiciens et scientifiques, et certaines personnes en font parfois l’expérience dans leur vie quotidienne. Et qu’est-ce cela veut dire ? Que l’esprit, après avoir exercé pleinement toutes ses facultés de pensée, est arrivé à la lisière extrême de toute pensée sans avoir trouvé de réponse ; donc, il fait silence – mais pas par lassitude, pas par épuisement, ni parce qu’il s’est dit : « Je vais faire silence, grâce à quoi je trouverai la réponse. ». 

10 octobre
Cette conscience sans choix
 
(…) Seul l’esprit qui est innocent, qui n’est pas obscurci par l’expérience mais qui est totalement délivré du passé – seul cet esprit-là peut percevoir ce qu’est la réalité. Si vous voyez cette vérité, si vous la percevez, ne serait-ce que l’espace d’une fraction de seconde, vous saurez ce qu’est la formidable clarté de l’esprit innocent. Ce qui suppose la disparition de tout ce qui est incrusté dans notre mémoire, et donc l’abandon du passé. 

11 octobre
Un esprit immobile et actif
 
L’esprit qui est réellement silencieux est étonnamment actif, vivant et puissant – mais sans aucune visée particulière, seul cet esprit est littéralement libre -, libre de toute influence de l’expérience, du savoir. Un tel esprit est capable de percevoir la vérité, d’avoir la perception directe, qui est au-delà du temps.
L’esprit ne peut être silencieux que lorsqu’il a saisi le mécanisme du temps, et cela requiert de la vigilance, ne croyez-vous pas ? (…) Nous ne connaissons de liberté que relative. L’esprit qui est libéré de quelque chose n’est pas un esprit libre ; sa liberté, qui existe en fonction de quelque chose, n’est qu’une réaction ; ce n’est pas la liberté. L’esprit qui est à la recherche de la liberté n’est jamais libre. Mais il est libre dès qu’il comprend le fait, tel qu’il est, sans le traduire, le condamner, ni le juger ; et parce qu’il est libre, cet esprit est innocent, qu’il ait vécu cent jours ou cent ans d’expérience ou connu toutes les expériences. S’il est innocent, c’est parce qu’il est libre, non par rapport à quoi que ce soit, mais libre en soi. Seul un tel esprit est en mesure de percevoir le vrai, cette réalité hors du temps.

12 octobre
De la perception jaillit l’énergie
Tout le problème, assurément, consiste à libérer l’esprit de façon absolue, de sorte qu’il soit dans un état de perception sans frontières, sans limites. Et comment l’esprit peut-il découvrir cet état ? Comment peut-il parvenir à cette liberté ? (…) Vous devez vous poser (cette question) vous-même, avec une insistance pressante. Notre marge de liberté se rétrécit de jour en jour, ainsi que vous le savez, (…) les politiciens, les décideurs, les prêtres, les journaux et les livres que vous lisez, les connaissances que vous assimilez, les croyances auxquelles vous vous agrippez – tout cela rend de plus en plus étroite la marge de liberté dont chacun dispose. Si vous avez conscience de toute cette situation, si vous avez réellement la perception lucide de cet état de choses persistant, de cet esclavage grandissant de l’esprit, vous vous apercevrez alors que de cette perception jaillit l’énergie ; et c’est cette énergie née de la perception qui va briser en éclats cet esprit qui va au temple, cet esprit qui a peur. La perception est donc la voie qui conduit à la vérité.

13 octobre
Le bavardage de l’esprit
La véritable perception est une formidable expérience. (…) si vous avez déjà réellement perçu une fleur, (…) dès que vous regardez une fleur, votre esprit se met aussi tôt à bavarder à son sujet ; vous ne percevez donc jamais vraiment la fleur. La perception n’est possible que lorsque l’esprit est silencieux, étranger à tout bavardage. Si vous êtes capable de contempler l’étoile du berger scintillant au-dessus de la mer sans le moindre mouvement de votre esprit, alors vous en percevez réellement la beauté extraordinaire ; et lorsqu’on perçoit la beauté, ne fait-on pas simultanément l’expérience de l’amour ? Sans l’amour il n’est point de beauté, et sans la beauté, il n’est point d’amour. La beauté est partout – elle est dans la forme, elle est dans le discours, elle est dans notre conduite. Si l’amour est absent, notre conduite tourne à vide ; elle n’est que l’expression de la société, d’une culture particulière, et le résultat est mécanique et sans vie.

14 octobre
Le savoir dévoie l’esprit
(…) Si l’esprit est faussé, la vision juste ne sera jamais juste ; et si l’esprit est très limité, il est impossible de percevoir ce qui est sans limites. L’esprit est l’instrument de la perception, et pour percevoir véritablement, il doit être remis dans le droit fil, lavé de tout conditionnement, de toute peur. L’esprit doit être aussi libéré du savoir, car le savoir dévoie l’esprit et distord tout. 

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