La
souffrance, c’est … le chagrin, l’incertitude, le sentiment d’une solitude
absolue. La souffrance peut être liée à la mort, à l’incapacité à se réaliser,
au fait de ne pas être reconnu, ou d’aimer sans être payé de retour. Il y a la
souffrance consciente, et il y a la souffrance inconsciente, qui nous a été
léguée en héritage au fil des siècles. L’homme a toujours cherché à vaincre
cette chose extraordinaire que l’on nomme souffrance, chagrin, détresse, mais
même lorsque nous sommes superficiellement heureux, que tous nos désirs sont
comblés, les racines de la souffrance sont toujours là, tapies dans les replis
profonds de l’inconscient. Donc, lorsque nous parlons de la fin de toute souffrance,
nous voulons dire la fin de toute souffrance, consciente et inconsciente. Pour
mettre un terme à la souffrance, il faut avoir un esprit très clair et très
simple. La simplicité n’est pas une simple idée. Pour être simple, il faut
beaucoup d’intelligence et de sensibilité.
Un
esprit qui se préoccupe de comprendre la compassion, l’amour et tout le reste
ne peut évidemment que comprendre ce qu’est la peur et ce qu’est la souffrance.
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie
8 juillet
La souffrance n’est pas ma souffrance
Votre souffrance individuelle est-elle différente de
la mienne, (…) Les circonstances, les incidents peuvent varier, mais en essence
la souffrance de l’autre est identique à la mienne, n’est - ce pas ? La souffrance est la souffrance, elle n’est ni la votre ni
la mienne, bien sûr. Le plaisir n’est ni votre plaisir ni le mien – c’est le
plaisir. Lorsque vous avez faim, cette faim ne concerne pas que vous, c’est
aussi la faim de l’Asie tout entière. (…)
C’est cela, voyez – vous, que nous refusons d’admettre.
Nous
ne voyons pas que nous ne sommes tous qu’une seule et même humanité. – mais tous
enclos dans des sphères différentes, des zones différentes de l’existence.
Quand vous aimez quelqu'un, ce n’est pas votre amour, Car alors il devient tyrannique,
possessif, jaloux, angoissé, brutal. De même, la souffrance est la souffrance –
non votre souffrance ou la mienne. (…) Quand un homme n’a ni nourriture, ni
vêtements, ni maison, il souffre – qu’il vive en Asie ou en occident. (…)
Comprendre cette souffrance – qui n’est ni à vous ni à moi, qui n’est pas non
plus impersonnelle ou abstraite, mais réelle, et partagée par nous tous – est une
chose qui requiert une grande pénétration, une grande lucidité de perception.
Et la fin de cette souffrance apportera naturellement la paix, tant intérieure
qu’extérieure.
9 juillet
Il faut comprendre la souffrance
Pourquoi vous ou moi sommes-nous si insensibles à la
souffrance d'autrui ? (…) Pourquoi sommes-nous si endurcis ? (…) Si je comprends
la souffrance, j’y deviens sensible, je deviens attentif à tout, non seulement
à moi-même, mais à ceux qui m’entourent, à ma femme, à mes enfants, à l’animal,
au mendiant. Mais nous ne voulons pas comprendre, et cette fuite devant la souffrance
nous engourdit l’esprit et nous finissons par nous endurcir. . Le fait est que cette souffrance, si elle n’est pas
comprise, nous engourdit l’esprit et le cœur, et nous ne comprenons pas la
souffrance parce que nous voulons y échapper, en comptant sur un gourou, sur un
sauveur, sur les mantras, la réincarnation, les idées, l’alcool et toute autre
forme de dépendance – tout est bon pour échapper à ce qui est… Pourtant, comprendre la souffrance ne consiste pas à en
découvrir les causes. Tout homme est à même de connaître les causes de la
souffrance : sa propre inconséquence, sa stupidité, son étroitesse d’esprit,
sa brutalité, ainsi de suite. Mais si je regarde la souffrance elle-même sans
désir de réponse, que se passe-t-il alors ? Alors, n’étant pas en position
de fuite, je commence à comprendre la souffrance ; mon esprit est
attentif, alerte, vif, aiguisé, ce qui veut dire que je deviens sensible, et
parce que je suis sensible, j’ai conscience de la souffrance des autres.
10 juillet
Les croyances, rempart contre la douleur
La douleur physique est une réaction nerveuse ; mais la
douleur psychique surgit lorsque je m’accroche à des choses qui me sont
agréables, car je redoute alors tout ce qui pourrait m’en priver. Les
accumulations psychologiques constituent un barrage à cette souffrance tant qu’elles
ne sont pas menacées : je
suis un paquet d'accumulations et d’expériences qui s’opposent à tout ce qui
pourrait les déranger. Je refuse de me laisser déranger, donc j’ai peur, et c’est
du connu dont j’ai peur, de ces accumulations physiques ou psychologiques dont je
me suis entouré pour écarter la douleur ou pour empêcher l’affliction de se produire. Mais l'affliction est incluse dans le processus même de ces accumulations destinées à éviter la souffrance. Les connaissances aussi ont pour but de l'éviter. De même que les connaissances médicales sont utiles contre la douleur
physique, les croyances le sont contre
la douleur psychique, et c’est pour cela que j’ai peur de perdre mes croyances,
(…) Il peut m’arriver de rejeter certaines des croyances traditionnelles qui m’avaient
été inculquées, et de m’appuyer sur une expérience personnelle qui m’éclaire et
me donne force, compréhension et confiance en moi ; mais ces croyances et
cette expérience sont de même nature : ce sont des moyens d’éviter la
douleur.
11 juillet
Une compréhension intégrale
Quel
sens faut-il donner au mot « souffrance » ? Est-ce quelque chose
dont vous êtes dissocié ? Est-ce une chose qui reste en dehors de vous –
qu’elle vous affecte intérieurement ou extérieurement – et que vous observez,
dont vous faites l’expérience ? N’êtes-vous que l’observateur en train de
vivre l’expérience ? Ou s’agit-il d'autre chose ? C’est certainement là
un point important, n’est-ce pas ? Quand je dis : « je souffre »,
que veux-je dire par là ? Suis-je distinct de la souffrance ? Là est
la question, assurément. (…) Comment
puis-je comprendre la totalité de la souffrance ? Ce n’est que lorsque je
suis capable de comprendre pleinement qu’il m’est possible d’être libéré de la
souffrance. Mais si je suis écartelé entre des tendances contradictoires, alors
la vérité m’échappe…
(…)
Vous verrez qu’en présence d’un fait, d’une vérité, la compréhension apparaît uniquement lorsque je suis capable d’appréhender
ce tout, sans division – et non lorsqu’il y a séparation entre la souffrance et
le « moi » qui l’observe. Voilà
la vérité.
12 juillet
Vous êtes la souffrance
Lorsqu’il
n’y a pas un observateur qui souffre, la souffrance est-elle autre chose
que moi-même ? Je suis elle. La douleur et moi ne sommes pas
dissociés. Et alors que se passe-t-il ? Il n’y a pas de mot, pas d’étiquette,
qui viennent écarter cette douleur en lui donnant un nom. Lorsque je ne la
nomme pas, lorsqu’il n’y a pas de peur suscitée par elle, est-ce qu’il existe
une relation entre la souffrance et le moi en tant que centre de conscience ?
Si le centre est en état de relation avec cette souffrance, il en a peur. Mais
s’il est cette souffrance même, que peut-on faire ? Il n’y a rien
que l’on puisse faire. On est cela, on ne peut ni l’accepter ni le
refuser, ni lui donner un nom. (…) Il n’y a plus de « je souffre »,
parce qu’il n’y a pas de centre pour souffrir. Le centre ne souffre que parce
que nous n’avons pas examiné ce qu’est ce centre. Nous ne vivons qu’en
passant d’un mot à un autre mot, d’une réaction à une autre réaction.
13 juillet
La souffrance est-elle inévitable ?
Il
existe tellement de variétés, de complexités et de degrés dans la souffrance.
Nous le savons tous. (…) Si nous disons que la souffrance est inévitable,
alors, il n’y a pas de réponse ; alors vous avez déjà cessé d’enquêter. (…)
Vous pouvez fuir à travers l’autre, homme ou femme, ou dans l’alcool, les
distractions, diverses formes de pouvoir, d’ambition sociale, de prestige, et
dans le bavardage intérieur de votre néant ; les objets à travers lesquels
vous fuyez prennent une importance colossale. Vous avez donc à votre tour fermé
votre porte à la souffrance, comme la majorité d’entre nous…(…) Certes la
souffrance physique existe. (…) Il y a aussi la peur des douleurs à venir,
futures causes de souffrance.
La
souffrance est étroitement liée à la peur, et sans compréhension de ces deux
éléments essentiels de la vie, nous ne comprendrons jamais ce que c’est que d’être
compatissant, aimant.
14 juillet
Souffrance consciente et inconsciente
Il
y a la souffrance consciente, et il y a la souffrance inconsciente, celle qui
paraît sans fondement sans cause directe. C’est la souffrance consciente qui
nous est le mieux connue, et nous savons aussi comment l’aborder. Ou bien nous
la fuyons par le biais d’une croyance religieuse, ou bien nous la rationalisons,
ou bien nous avons recours à une drogue quelconque – intellectuelle ou
matériellement tangible ; ou bien nous nous grisons de mots, de
distractions, de divertissement futiles. Malgré tous ces efforts, nous n’arrivons
pas à nous défaire de la souffrance consciente. Et puis il y a la souffrance inconsciente,
qui nous a été léguée en héritage au fil des siècles…
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