Nous constatons à quel point l’univers de la haine est
florissant de nos jours. L’ignorance étire indéfiniment ses racines jusqu’au
plus lointain passé. Nous y avons participé en tant qu’individus, au même titre
que nos ancêtres, qui, tout comme leurs propres ancêtres, ont mis en marche ce
mécanisme de la haine, de la peur, de l’avidité…Pour anéantir la haine, vous
devez vous dissocier de la haine sous toutes ses formes, grossières ou
subtiles, mais dès l'instant où vous en êtes prisonnier, vous participez à cet
univers d'ignorance et de peur. Le monde est donc une extension de vous-même,
un autre vous-même cloné et multiplié. Le monde n'existe pas en dehors de
l'individu Quand l’individu est en conflit interne
avec lui-même, il déclenche inévitablement des conflits à l’extérieur, et il
est le seul à pouvoir faire éclore la paix en lui-même et dans le monde, car il
est le monde.
La principale cause de la violence est, je
pense, le fait que chacun d'entre nous soit en quête de sécurité sur le plan
intérieur, psychologique. En chacun de nous, ce besoin de sécurité psychique -
ce sentiment intérieur d'être protégé - se projette sous forme d'une exigence
de sécurité - extérieur, cette fois. La violence née de notre soif de
sécurité personnelle, ou de la recherche d’une sécurité individuelle à travers
un système de sécurité...
Êtes-vous
capable de regarder cette violence avec une attention totale ? Et quand
vous la regardez avec une attention totale, que se passe-il ?
Quand je fais
attention à ce que je nomme la violence
– et que cette attention est pleine d’intérêt, d’affection, d’amour -, comment
peut-il y avoir encore place pour la violence?
Krishnamurti : Le livre de la méditation et de la vie
22 juin
La violence
Que se passe-t-il lorsqu’on examine
avec une attention totale cette chose que l’on appelle la violence – non
seulement la violence en tant que
séparation entre les êtres humains, divisés par leurs croyances, leurs
conditionnements, et ainsi de suite, mais aussi la violence née de notre soif
de sécurité personnelle, ou de la recherche d’une sécurité individuelle à
travers un système de sécurité ? (…) Et quand vous la regardez avec une
attention totale, que se produit-il ? (…) Lorsque votre attention est
totale, c’est que vous éprouvez un intérêt manifeste, et cet intérêt est
impossible sans affection, sans amour. Et quand notre attention s’accompagne
d’amour, peut-il y avoir violence ? J’ai officiellement condamné la
violence, ou je l’ai fuie, ou je l’ai justifiée, ou j’ai dit qu’elle était
naturelle. Toutes ces attitudes ne sont que de l’inattention. Mais quand je
fais attention à ce que je nomme la violence – et que cette attention est
pleine d’intérêt, d’affection, d’amour -, comment peut-il y avoir encore place
pour la violence ?
23 juin
Est-il possible de faire cesser la
violence ?
(…) Nous savons ce qu’est la
violence sans avoir à l’exprimer en mots, en phrases ou en actes. En tant qu’être
humain en qui l’animal est encore très présent, malgré de prétendues civilisations, par quel bout vais-je l’aborder ? En commençant par
la périphérie, c'est-à-dire la société, ou par le centre, c'est-à-dire moi-même ?
Vous me dites qu’il ne faut pas être violent, parce que c’est laid. Vous m’expliquez
toutes les raisons, et je vois que la violence est une chose abominable qui
affecte les hommes au dehors et au-dedans. Est-il possible de faire cesser
toute cette violence ?
24 juin
La cause essentielle des conflits
(…) Il faut que vous compreniez la cause
essentielle des conflits et de la souffrance et qu’ensuite vous la fassiez disparaître,
au lieu d’attendre que la paix vous vienne d’une aide extérieure. Mais le
problème, c’est que nous sommes presque tous indolents. Nous sommes trop paresseux
pour nous prendre en charge et nous comprendre nous-mêmes, et à cause de cette
paresse, qui est en réalité une forme de suffisance, nous pensons que c’est aux
autres de résoudre ce problème à notre place et de nous apporter la paix (...) Quand l’individu est en conflit interne avec
lui-même, il déclenche inévitablement des conflits à l’extérieur, et il est le
seul à pouvoir faire éclore la paix en lui-même et dans le monde, car il est le
monde.
25 juin
Prenez conscience de votre propre violence
L’animal est violent. L’être humain,
qui est l’aboutissement de l’espèce animale, est également violent ; la
violence, la colère, la jalousie, l’envie, la soif de pouvoir, de réussite
sociale, de prestige et tout ce qui s’ensuit, le désir de domination, l’agressivité
- tout cela fait partie intégrante de son être. L’homme est violent – les innombrables
guerres en sont la preuve – et il a élaboré une idéologie qu’il appelle la non
violence. (…) Vous vous maîtrisez afin de ne pas être violent – là encore, il y
a un conflit, une friction. (…) La première chose à faire, c’est de vous rendre
compte que vous êtes violent – et non d’essayer de devenir non violent. Voir la
violence telle qu’elle est, ne pas essayer de la traduire, de la maîtriser, de
la vaincre, de la réprimer, mais la regarder comme si vous la voyez pour la
première fois – c’est cela, la regarder en l’absence de toute pensée.
26 juin
Se libérer de la violence
Etes-vous donc capable de voir en la
violence un fait – un fait non seulement extérieur à vous-même, mais également
présent en vous – sans laisser d’intervalle de temps entre l’instant où vous
écoutez et celui où vous agissez ? Cela signifie que par l’acte même d’écouter
vous vous libérez de la violence. Vous-êtes totalement libéré de toute violence
parce que vous n’avez pas donné libre accès au temps, à l’idéologie d’un temps
qui serait susceptible de vous débarrasser à la longue de la violence. Cela
exige de nous une méditation très profonde, pas un simple accord ou désaccord
verbal.
Jamais
nous n’écoutons : notre esprit, les cellules de notre cerveau, sont
tellement conditionnés aux idéologies sur la violence que nous ne regardons jamais
la violence en tant que le fait. 27 juin
La cause essentielle de la violence
(...) Au fond de nous mêmes, chacun d'entre nous veut être en sécurité, sûr, certain. C'est la raison d'être de toutes nos lois sur le mariage - qui nous permettent de posséder une femme, ou un homme, et d'assurer la sécurité de notre relation. Si cette relation est attaquée nous devenons violents, ce qui est l'expression de notre besoin psychique, de notre demande intérieure d'être sûrs de nos relations en quelque domaine que ce soit. Mais la certitude, la sécurité n'existent dans aucune relation. (...) La sécurité permanente n'existe pas...
28 juin
Notre violence est un fait avéré
(...) Le monde entier est en proie à la
violence, à la guerre ; notre société, fondée sur l'appât du gain, est par ses
structures mêmes fondamentalement violente. Et si vous et moi en tant qu'individus
voulons être délivrés de la violence - en être libérés totalement, au plus
profond de nous, et non au simple niveau des mots et seulement en surface -,
alors comment s'y prendre sans pour autant devenir égocentrique ? (...) Nous
sommes violents, c'est un fait, et demander : "Comment vais-je faire pour
ne plus l'être ?" Ne sert qu'à donner forme à un idéal de non-violence, ce
qui me paraît tout à fait futile. Mais si l'on est capable de regarder de front
la violence et de la comprendre, alors peut-être sera-t-il possible de
l'éradiquer totalement.
29 juin
La haine anéantie
(...) Cet univers de haine a été créé
par nos ancêtres et par leurs propres ancêtres et par nous. Ainsi l'ignorance
étire indéfiniment ses racines jusqu'au plus lointain passé. Elle
n'est pas née spontanément. Elle est le fruit de l'ignorance humaine, c'est un
processus historique, n'est-ce pas? (...) Aujourd'hui, en tant qu'individus,
nous participons à cet univers de haine dans la mesure où, individuellement,
nous nous y complaisons. Le monde est donc un prolongement de vous-même. (...)
Pour anéantir la haine, vous devez vous dissocier de la haine sous toutes ses
formes, grossières ou subtiles, mais dès l'instant où vous en êtes prisonnier,
vous participez à cet univers d'ignorance et de peur. Le monde est donc une
extension de vous-même, un autre vous-même cloné et multiplié. Le monde
n'existe pas en dehors de l'individu. Il peut exister en tant que notion
abstraite, en tant qu'état, en tant qu'organisation sociale, mais pour mettre
en pratique cette notion abstraite, ou pour faire fonctionner ces organismes
sociaux ou religieux, il faut que l'individu soit là. C'est son ignorance, son
avidité et sa peur qui maintiennent les structures de l'ignorance, de la
cupidité et de la peur. Si l'individu change, peut-il affecter l'univers,
l'univers de haine, de cupidité, et ainsi de suite? ...
(...) Lorsque vous êtes motivé, attentif
et conscient, non seulement il intervient une dissociation par rapport à tous
les phénomènes si laids qui sont à l'origine de toute douleur et de toute
détresse, mais cette compréhension-là est également porteuse d'une complétude,
d'une plénitude.
30 juin
On devient ce contre quoi l’on se bat
Il ne fait aucun doute que nous
finissons par devenir cela même contre quoi nous nous battons. (...) Si je suis
brutal et que vous utilisez pour avoir raison de moi des méthodes brutales,
vous devenez brutal, comme moi. Voilà ce que nous faisons depuis des milliers
d'années. (...) Il faut étudier la colère en toute tolérance, et la comprendre
; et non la dompter par des moyens violents. La colère peut être due à une
multitude de causes et si celle-ci ne sont pas comprises, la colère est
inévitable. (...) Nous devons comprendre les causes de cette haine et cesser de
l'alimenter par nos pensées, nos sentiments, nos actes. (...) L'ami et l’ennemi
sont le résultat de nos pensées et de nos actions. C'est nous qui sommes
responsables de l'apparition de la haine, et mieux vaut être conscients de nos
pensées et de nos actes plutôt que de nous soucier de l'ennemi ou de l'ami, car
une pensée juste met fin à la division. L'amour transcende l'ami et
l'ennemi.
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