mercredi 14 septembre 2016

La pensée

Qu'entendons-nous par ce terme de « pensée » ? À quel moment pensez-vous ? Il est évident que la pensée est le résultat d'une réponse, neurologique ou psychologique, n'est-ce pas ? C'est la réponse immédiate des sens à la sensation, ou c'est psychologique : la réponse des souvenirs accumulés... Notre conscience se réfère par conséquent au passé ; et là est tout l'arrière-plan de notre existence. Dès que vous avez le passé, vous avez inévitablement le futur, parce que le futur n'est que la continuation du passé modifié, c'est-à-dire encore du passé.
Pourquoi sommes-nous irréfléchis ? Parce que  penser est douloureux, cela crée dès perturbations, suscite des oppositions, alors que penser et ressentir de façon large et ample, exercer une lucidité sans choix ni exclusive, voilà qui peut nous entraîner jusqu'à des profondeurs inconnues. Or l'esprit est rebelle à l'inconnu ; c'est pourquoi il passe du connu au connu, d'une habitude à une autre habitude, d'un schéma à un autre.
C'est la répétition qui donne une continuité au penseur.
Vous avez beau essayer de raisonner sur ces problèmes de manière saine et logique, il vous suffira d'observer votre propre esprit pour constater que votre mode de pensée est conditionné par votre condition sociale, par l'environnement culturel dans lequel vous êtes né, par les aliments que vous consommez, par le climat sous lequel vous vivez, par les journaux que vous lisez, par les pressions et les influences subies dans votre vie.
Nous devons donc comprendre de façon très claire que notre pensée, c'est la réponse de la mémoire, et que la mémoire fonctionne mécaniquement. Le savoir sera toujours incomplet, et toute pensée issue du savoir est limité, parcellaire, et n'est jamais libre. La liberté de pensée n'existe pas, mais nous pouvons commencer à découvrir une liberté qui n'est pas un processus de pensée, et dans laquelle l'esprit a simplement conscience de tous ses conflits et de toutes les influences auxquelles il se heurte
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Si vous pensez très clairement et sans préjugés, sans conformisme, sans essayer de convaincre qui que soit, sans objectif en vue, en cet acte même de penser, le penseur est absent - il n'y a que l'acte de penser. Ce n'est que lorsque vous visez, en pensant, à la réalisation d'un but, que vous devenez important, et non la pensée. (...) Si le penseur précède la pensée, alors il est plus important que la pensée, (...) mais si c'est la pensée qui vient en premier, alors la pensée est plus importante que le penseur.
Pour moi, rien ne compte que cette perception directe – et non le raisonnement, le calcul, l'analyse. Vous devez être capable d'analyser ; pour raisonner, vous devez avoir l'esprit bien fait, incisif ; mais l'esprit qui se limite à la raison et à l'analyse est incapable de percevoir ce qu'est la vérité...
 
Krishnamurti : Le livre de la méditation et la vie

8 septembre 
La mémoire n'a pas d'existence en soi
Qu'entendons-nous par ce terme de « pensée » ? À quel moment pensez-vous ?
(…) Il est évident que la pensée est le résultat d'une réponse, neurologique ou psychologique, n'est-ce pas ? C'est la réponse immédiate des sens à la sensation, ou c'est psychologique : la réponse des souvenirs accumulés. Il y a donc d'une part la réponse immédiate des nerfs à la sensation, et il y a d'autre part la réponse psychologique des souvenirs emmagasinés, l'influence liée à la race, au groupe, au gourou, à la famille, à la tradition, et ainsi de suite - tout cela étant ce qu'on appelle la pensée. Donc le processus de la pensée est la réponse de la mémoire, n'est-ce pas ? Vous n'auriez pas de pensée si vous n'aviez pas de mémoire, et c'est la réponse de la mémoire à une expérience donnée qui met en action ce processus de la pensée.
Qu'est-ce donc la mémoire ? (...) la mémoire se rapporte à des faits, des techniques, à l'information, à l'art de la mécanique, aux mathématiques, à la physique, etc., ou bien elle est le résidu d'une expérience incomplète, inachevée, n'est-ce pas ? Lorsque vous allez jusqu'au bout d'une expérience, qu'elle est achevée, elle ne laisse aucun souvenir au sens d'un résidu psychologique. Il n'y a de résidu que lorsqu'une expérience n'est pas pleinement comprise, et nous ne comprenons pas l'expérience  parce que nous regardons chaque expérience à travers le prisme des souvenirs passés, c'est pourquoi nous ne rencontrons jamais l'inédit sous sa forme de chose neuve, mais toujours à travers l'écran de ce qui est vieux. 

9 septembre 
La conscience se réfère au passé
Si vous observez très soigneusement, vous verrez que ce mouvement de la pensée n'est pas continu, mais qu'un intervalle se produit entre deux pensées. Bien qu'il puisse ne durer qu'une fraction infinitésimale de seconde, cet intervalle existe et a son importance dans le mouvement de va-et-vient pendulaire de la pensée. 
 Il est aisé de voir que l'activité de notre pensée est conditionnée par le passé, lequel est projeté dans le futur. Si tôt que l'on admet le passé, l'on doit aussi admettre le futur, car ces deux états dits passé et futur ne sont en fait qu'un seul état, qui inclut le conscient et l'inconscient, le passé collectif et le passé individuel. Ces deux passés, en réponse au présent, émettent certaines réponses qui créent la conscience individuelle. Notre conscience se réfère par conséquent au passé ; et là est tout l'arrière-plan de notre existence. Dès que vous avez le passé, vous avez inévitablement le futur, parce que le futur n'est que la continuation du passé modifié, c'est-à-dire encore du passé. Notre problème consiste donc à produire une transformation dans ce processus du passé sans créer une nouvelle forme de conditionnement, un autre passé.

10 septembre 
Pourquoi sommes-nous irréfléchis ? 
Le penseur élabore ses pensées à partir de l'habitude, de la répétition, de limitation, ce qui n'aboutit qu'à l'ignorance et à souffrance. L'habitude n'est-elle pas de l'irréflexion ? La perception lucide suscite l'ordre, mais elle n'engendre aucune habitude. Les tendances persistantes n’aboutissent qu’à l’irréflexion, à l’inconséquence.
 Pourquoi sommes-nous irréfléchis ? Parce que  penser est douloureux, cela crée dès perturbations, suscite des oppositions, alors que penser et ressentir de façon large et ample, exercer une lucidité sans choix ni exclusive, voilà qui peut nous entraîner jusqu'à des profondeurs inconnues. Or l'esprit est rebelle à l'inconnu ; c'est pourquoi il passe du connu au connu, d'une habitude à une autre habitude, d'un schéma à un autre. Ce type d'esprit n'abandonne jamais le connu pour aller à la découverte de l'inconnu. Se rendant compte de la douleur qui va pair avec la pensée, le penseur, à force d'imitation, d'habitudes, finit par perdre le fil de ses pensées ; ayant peur de penser, il crée ce schéma de comportement irréfléchi. (...) Le penseur peut se diviser en de multiples catégories de pensée, mais la pensée et le penseur ne font toujours qu'un. 

11 septembre 
Le penseur est la pensée 
 N'est-il pas indispensable de comprendre celui qui pense, accomplit ou agit  -  le penseur, le faiseur, l' « acteur »  -  puisque sa pensée, son geste, son action sont indissociables de lui ? Le penseur est la pensée, le faiseur est ce qu'il fait, l'acteur est l'action. (...) Si le penseur peut se transcender, alors tout conflit cessera ; et pour se transcender, il faut qu'il se connaisse. Ce qui est connu et compris, ce qui est réalisé et achevé ne se répète pas. C'est la répétition qui donne une continuité au penseur.

12 septembre 
La liberté de pensée n'existe pas 
(...) Nous passons notre vie dans un état de contradiction. (…) Nous parlons d'amour,  et nous sommes dévorés d'ambition, imbus d'un esprit de compétition, d'efficacité sans scrupules. Il y a donc contradiction. Toute action née de la contradiction n'aboutit qu'à la frustration et à de nouvelles contradictions.
C'est que, voyez-vous, toute pensée n'est que fragmentaire ; elle ne peut jamais être totale. La pensée est la réponse de la mémoire, et la mémoire est toujours fragmentaire, car la mémoire est le résultat de l'expérience vécue, la pensée est donc la réaction d'un esprit qui est conditionné par l'expérience. Toute forme de pensée, d'expérience, de savoir, est inévitablement parcellaire ; la pensée est donc impuissante à résoudre les nombreux problèmes qui sont les nôtres. Vous avez beau essayer de raisonner sur ces problèmes de manière saine et logique, il vous suffira d'observer votre propre esprit pour constater que votre mode de pensée est conditionné par votre condition sociale, par l'environnement culturel dans lequel vous êtes né, par les aliments que vous consommez, par le climat sous lequel vous vivez, par les journaux que vous lisez, par les pressions et les influences subies dans votre vie quotidienne...

13 septembre 
La pensée sans le penseur
Le singe dans l’arbre a faim, puis lui vient le désir de cueillir un fruit ou une noix. L’action vient d’abord, puis l’idée que l’on aurait intérêt à stocker la nourriture. (…) Qui est-ce qui vient en premier, l’action, ou celui qui exécute l’action ?  Sans l’action, y a-t-il un « acteur » ?  
(…) Qui est l'observateur ?  Le penseur est-il distinct de ses pensées, l'observateur distinct de ce qu'il observe, le sujet de l'expérience distinct de l'expérience, celui qui agit distinct de l'action ? ... Mais si vous examinez réellement le processus, très attentivement, de près, et intelligemment, vous verrez qu'il y a toujours d'abord l'action, et que cette action, qui a une fin en vue, crée l' « acteur ». Est-ce que vous suivez ? Si l’action a un objectif en vue, la réalisation de cet objectif engendre l’« acteur ».
Si vous pensez très clairement et sans préjugés, sans conformisme, sans essayer de convaincre qui que soit, sans objectif en vue, en cet acte même de penser, le penseur est absent - il n'y a que l'acte de penser. Ce n'est que lorsque vous visez, en pensant, à la réalisation d'un but, que vous devenez important, et non la pensée. (...) Si le penseur précède la pensée, alors il est plus important que la pensée, (...) mais si c'est la pensée qui vient en premier, alors la pensée est plus importante que le penseur. 

14 septembre 
La perception immédiate 
Il n'y a pour moi qu'une seule chose qui compte : la perception - c'est-à-dire le fait de percevoir si une chose est vraie ou fausse de manière immédiate. C’est cette perception immédiate de ce qui est faux et de ce qui est vrai qui constitue le facteur essentiel – et non l’intellect, avec ses raisonnements fondés sur son habileté, son savoir, ses engagements. Il vous est certainement arrivé de temps à autre de voir immédiatement la vérité d’une chose – (…)  C'est cela, la perception : voir la vérité d'une chose, immédiatement, sans analyse, sans raisonnement, sans aucune de toutes  ces choses que l'intellect crée à seule fin de différer la perception. C'est tout à fait différent de l'intuition, mot dont nous faisons un usage facile, trop facile...
Pour moi, rien ne compte que cette perception directe – et non le raisonnement, le calcul, l'analyse. Vous devez être capable d'analyser ; pour raisonner, vous devez avoir l'esprit bien fait, incisif ; mais l'esprit qui se limite à la raison et à analyse est incapable de percevoir ce qu'est la vérité...







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