mercredi 2 novembre 2016

La transformation

Pour transformer le monde, nous devons commencer par nous-mêmes ; et dès lors, ce qui compte, c’est l’intention…
Le changement réel ne peut avoir lieu que lorsque l’esprit aborde le problème en toute fraîcheur – pas en traînant tous les souvenirs usés datant d’un millier d’hiers. Vous devez aborder l’inédit avec un esprit plein de fraîcheur, et l’esprit manque de fraîcheur quand il est occupé, consciemment ou inconsciemment.
L’esprit qui désire connaître cet état de changement fondamental, cet état de révolution, doit se libérer du connu. Il devient alors étonnamment tranquille, silencieux, et seul un esprit tel que celui-là vivra l’expérience de cette transformation radicale qui est tellement nécessaire.
La négation consiste en effet à vider la conscience de tout le connu. Il serait absurde de renier tout le savoir scientifique accumulé de si longue date. Mais pour susciter cette mutation de la conscience, cette évolution touchant jusqu’à ses structures mêmes, il faut qu’il y ait vacuité totale.
Il va de soi que toute mutation individuelle entraîne un changement collectif. Toute forme de conscience, qu’elle soit du passé, du présent ou du futur, reste évidement inscrite dans le champ de la pensée ; et tout changement survenant dans ce champ, qui fixe les limites de l’esprit, n’est pas un changement véritable. Le changement radical ne peut avoir lieu qu’en dehors – pas à l’intérieur – du champ de la pensée, et l’esprit ne peut en sortir que s’il en voit les confins, les frontières, et s’il se rend compte que tout changement limité à ce champ n’a de changement que le nom. Voilà en quoi consiste la vraie méditation.
Le changement, la révolution, procède du connu vers l’inconnu, où il n’y a nulle autorité...
Mon esprit – c'est-à-dire le conscient aussi bien que l’inconscient – peut-il se libérer de la société, laquelle est tout à la fois l’éducation, la culture, la norme, les valeurs, les principes établis ? Car sans cette liberté tout changement, quel qu’il soit, que l’esprit essaye d’introduire dans cet état conditionné reste, toujours limité, et c’est pourquoi ce changement n’en est pas un.Comment dissoudre le « moi », qui nous lie au temps, et dans lequel il n’est ni amour ni compassion ? Il n’est possible d’en transcender les limites que lorsque l’esprit ne se scinde pas sous la double forme de penseur et de pensée. Ce n’est que lorsque le penseur et la pensée ne font qu’un que vient le silence, ce silence dans lequel plus aucune image ne se forme, et où toute expectation de nouvelles expériences a disparu. Dans ce silence, le sujet et l’objet de l’expérience se confondent ; et alors il est enfin une révolution psychologique – qui est créatrice. 
Krishnamurti : Le livre de la méditation et la vie
22 octobre
Notre responsabilité
(…) Notre intention doit être de nous comprendre vraiment, et non de laisser à d’autres le soin de se transformer, ou de provoquer une modification extérieure par une révolution de la gauche ou de la droite. (…), Si petit que soit notre monde, si nous pouvons nous transformer, introduire un point de vue radicalement différent dans notre existence quotidienne, peut-être alors pourrions-nous affecter un monde plus vaste, dans l’extension de nos rapports avec autrui.

23 octobre
Si l’esprit est absorbé
(…) L’esprit est-il donc capable d’affronter le problème du changement – celui qui modifierait nos instincts d’acquisition, par exemple – mais sans faire d’effort, en voyant simplement de manière lucide tout ce qu’implique ce besoin d’acquérir ? Parce qu’on ne peut pas voir le contenu total de ce besoin tant qu’on s’efforce de le faire changer. De toute évidence, si votre esprit est absorbé, il vous est impossible de compter sur un esprit plein de fraîcheur et d’enthousiasme. (…) Vous ne pourrez jamais voir la vérité si vous ne lui accordez pas votre pleine attention,  ou si vous traduisez mes propos sous une forme qui vous agrée, ou si vous les traduisez en vos propres termes. 

24 octobre
Le savoir est un obstacle au changement 
Tout ce qui est évoqué ici exige une extrême lucidité de perception, et maints questionnements. N’acquiescez pas systématiquement, mais approfondissez, méditez, mettez impitoyablement votre esprit à l’épreuve afin de tirer au clair le vrai et le faux de tout cela.  Le savoir, c'est-à-dire le connu, peut-il provoquer le changement ? J’ai besoin d’un savoir-faire pour construire un pont ; mais mon esprit doit-il savoir par avance en quoi va consister sa propre mutation ? Si je connais déjà l’état dans lequel sera l’esprit une fois qu’il aura changé, il ne s’agit plus de changement.  Ce savoir préalable fait obstacle au changement, parce que cela devient un moyen de satisfaction, et tant qu’il existe un centre qui est à la recherche d’une satisfaction, d’une récompense, d’une sécurité, tout changement est exclu.

25 octobre
La vacuité totale
Pour que se produise cette mutation complète au sein de la conscience, il faut renoncer à toute analyse, à toute recherche, et ne plus être soumis à aucune influence – ce qui est une tâche extrêmement ardue. L’esprit ayant perçu ce qui est faux, l’écarte complètement, sans pour autant savoir ce qu’est le vrai. (…) Le renoncement n’a lieu que lorsque vous lâchez une chose sans savoir ce qui va se passer. Cet état de «  négation »  est absolument nécessaire. (…) dans cet état de négation  on découvre la vérité ; la négation consiste en effet à vider la conscience de tout le connu. (…)
Il serait absurde de renier tout le savoir scientifique accumulé de si longue date. Mais pour susciter cette mutation de la conscience, cette évolution touchant jusqu’à ses structures mêmes, il faut qu’il y ait vacuité totale. Et elle n’est possible que lorsque survient la découverte, la perception réelle de ce qui est faux. Alors vous verrez, si vous êtes arrivés jusqu’à ce point, que cette vacuité même suscite une révolution complète de la conscience – elle s’est enfin réalisée.

26 octobre
La véritable mutation ne saurait être délibérée
Il va de soi que toute mutation individuelle entraîne un changement collectif. L’individuel et le collectif ne sont pas deux pôles distincts et opposés, bien que certains groupes politiques essaient de les séparer, et de forcer ainsi l’individu à se conformer à une prétendue entité collective. (…) Pour moi, tout changement délibéré, tout changement lié à l’obligation, à la discipline, au conformisme, n’est en aucune manière un changement. Que ce soit la force, l’influence, une nouvelle invention quelconque, la propagande ou la peur qui vous contraignent au changement, il ne s’agit nullement là d’un changement. Et même si, intellectuellement, vous êtes tout disposé à être d’accord avec ce que je dis, je vous assure que c’est une chose tout à fait extraordinaire que de pénétrer la nature réelle de ce changement dénué de motif.

27 octobre
En dehors du champ de la pensée
Vous avez changé d’idées, de pensées, mais la pensée, elle reste toujours conditionnée. (…) Autrement dit, le changement est jours limité au champ de la pensée, et un changement aussi restreint est tout sauf un changement. Il y a simplement eu substitution d’idées, passage d’un courant de pensée à un autre.
 Ayant constaté ce processus, est-il possible de renoncer à la pensée, et de mettre en œuvre un changement qui se situe hors de son domaine ? Toute forme de conscience, qu’elle soit du passé, du présent ou du futur, reste évidement inscrite dans le champ de la pensée ; et tout changement survenant dans ce champ, qui fixe les limites de l’esprit, n’est pas un changement véritable. Le changement radical ne peut avoir lieu qu’en dehors – pas à l’intérieur – du champ de la pensée, et l’esprit ne peut en sortir que s’il en voit les confins, les frontières, et s’il se rend compte que tout changement limité à ce champ n’a de changement que le nom. Voilà en quoi consiste la vraie méditation.
 

28 octobre
Le changement réel
Le changement ne peut se faire, qu’en partant du connu pour aller vers l’inconnu, et non en allant du connu vers le connu. (…) Dans le changement qui s’effectue du connu au connu, il y a une conception hiérarchisée de la vie : d’un côté vous qui savez, et de l’autre moi qui ne sais pas. Donc, je vous vénère, je crée un système, je cherche un gourou, je vous suis parce que vous m’offrez ce que je veux savoir, vous me conférez, concernant la conduite de ma vie, une assurance qui ne peut me mener qu’à des résultats positifs, au succès. Le succès c’est le connu. Je sais ce qu’est la réussite. Elle est l’objet de mon désir. Nous allons donc du connu au connu, et l’autorité intervient forcément, (…) le changement, la révolution, procède du connu vers l’inconnu, où il n’y a nulle autorité. 

29 octobre
L’être humain est-il capable de changer ?
Je suis sûr que nul n’échappe à la question de savoir si l’on change jamais. Je sais que les circonstances extérieures de la vie sont changeantes : on se marie, on divorce, on a des enfants ; il y a la perspective de la mort, ou d’un meilleur emploi, et l’influence qu’exerce sur nous les nouvelles inventions, et ainsi de suite. (…) On s’est forcement demandé si un changement était possible pour nous, pas un changement concernant les événements extérieurs, ou qui ne soit qu’une pure répétition, ou une continuité modifiée du même état de choses, mais une révolution radicale, une mutation, totale de l’esprit.
(…) Moi, je veux changer. Je vois bien que je suis terriblement malheureux, déprimé, laid, violent, avec de temps à autre un éclair fugace d’autre chose que la simple satisfaction d’un mobile ; et je multiplie les efforts de volonté pour faire bouger les choses. Je me dis que je dois changer, que je dois en finir avec telle habitude ou telle autre ; que je dois penser différemment ; que je dois agir autrement ; que je dois être plus comme ceci, moins comme cela. C’est un immense déploiement d’efforts, pour se retrouver à la fin tous bancal, déprimé, moche, brutal, sans le moindre sentiment de qualité. Alors, on se demande si la notion même de changement est possible. L’être humain est-il capable de changer ?
 

30 octobre
Une transformation sans motif
Comment puis-je me transformer ? Je vois la vérité – tout ou moins, j’en entrevois un pan : je vois que tout changement, toute transformation doit impérativement commencer à un niveau auquel l’esprit, sous forme de conscient ou d’inconscient, ne peut avoir accès, puisque c’est la totalité de ma conscience qui est conditionnée. Que faire, dans ce cas ? (…) Mon esprit – c'est-à-dire le conscient aussi bien que l’inconscient – peut-il se libérer de la société, laquelle est tout à la fois l’éducation, la culture, la norme, les valeurs, les principes établis ? Car sans cette liberté tout changement, quel qu’il soit, que l’esprit essaye d’introduire dans cet état conditionné reste, toujours limité, et c’est pourquoi ce changement n’en est pas un.
Suis-je donc capable d’un regard dénué de mobile ? Mon esprit peut-il exister sans avoir la moindre visée, le moindre mobile l’incitant à changer ou à ne pas changer ? Car tout mobile résulte de notre réaction à une culture donnée. Mon esprit peut-il donc se libérer de la culture spécifique dans laquelle j’ai été élevé ? La question est capitale, parce que, si l’esprit ne se libère pas de la culture qui l’a nourri, formé, jamais l’individu ne pourra trouver la paix, la liberté.
Ses dieux et ses mythes, ses symboles, ainsi que tous les efforts qu’il déploie, resteront limités, étant toujours enclos dans le champ de l’esprit conditionné. Quels que soient les efforts qu’il fait ou ne fait pas, dans cet espace limité, ces efforts sont vraiment les plus futiles qui soient. Les conditions d’enfermement peuvent être adoucies – prison mois sombre, plus de fenêtres, meilleurs repas –, cela n’en reste pas moins la prison d’une culture donnée.


31 octobre
Une révolution psychologique
Est-il possible que le penseur et la pensée, l’observateur et l’objet observé ne fassent qu’un ? (…) Ce conflit intérieur permanent, tellement destructeur et tellement nuisible – c’est à vous de le résoudre, ne croyez-vous pas ? Et c’est aussi à vous qu’il appartient de découvrir comment susciter en vous-même un changement radical, au lieu de vous contenter de révolutions superficielles d’ordres divers – (…) Nous devons aller au-delà des mots, au-delà de tous les symboles et des sensations qui s’y associent…
Ces choses-là, nous devons les écarter et en venir au problème essentiel : Comment dissoudre le « moi », qui nous lie au temps, et dans lequel il n’est ni amour ni compassion ? Il n’est possible d’en transcender les limites que lorsque l’esprit ne se scinde pas sous la double forme de penseur et de pensée. Ce n’est que lorsque le penseur et la pensée ne font qu’un que vient le silence, ce silence dans lequel plus aucune image ne se forme, et où toute expectation de nouvelles expériences a disparu. Dans ce silence, le sujet et l’objet de l’expérience se confondent ; et alors il est enfin une révolution psychologique – qui est créatrice.


 







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